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(2ème cycle) Mayene
(Sujet créé par Ourozz l 06/01/17 à 11:36)
Mayene était une cité-Etat indépendante située à la fin d'une péninsule de la Mer des Tempêtes, cernée à l'ouest par les masses menaçantes de Tear, et au nord par les Terres Englouties.
Mayene est maintenant comme toutes les nations sous la coupe du Ténébreux et régentée par un des Elus.
Melyna arrive enfin à Mayene après un long trajet depuis Tear.
Les hordes de Trollocs patrouillant sur les routes la faisait bouillir intérieurement et elle préférait toujours l'intérieur des villes où ils s'aventuraient beaucoup moins.
Partie de la Tour en prétextant collecter des informations sur d'anciennes herbes médicinales et leur combinaison avec le pouvoir pour soigner, Melyna est en réalité missionnée par l'Ajah Bleue pour retrouver le futur Dragon réincarné.
Malheureusement la prophétie très succincte ne donne aucune indication sur l'endroit où le trouver.
Melyna se dirigea vers l'auberge Le chemin des Damnés, auberge qui semblait un peu plus luxueuse que les autres.
Dans la salle, plusieurs tables étaient occupés par des groupes qui jouaient au carte, buvaient ou discutaient simplement.
Elle se dirigea vers le gérant et demanda une chambre. La vue de l'anneau à son doigt, fit réagir prestement l'aubergiste qui hurla sur une serveuse pour qu'elle s’occupe de préparer une chambre.
Melyna scruta la salle du regard à la recherche de la première personne qu'elle pourrait interroger.
Tandis que l'Aes Sedai scrute la salle, l'aubergiste s'approche et s'incline légèrement à son attention, partagé entre nervosité et obséquiosité :
"Notre meilleure chambre sera prête pour vous dans quelques instants, Aes Sedai. Puis-je vous offrir un thé pendant que l'on s'occupe de vos bagages ? Il y a un petit salon plus calme si vous souhaitez vous délasser de votre voyage plus à votre aise."
Il lui montre la direction d'une main, semblant juger invraisemblable qu'une Aes Sedai souhaite rester parmi sa clientèle de bourgeois certes fortunés, mais loin d'égaler son statut.
"Le Grand Seigneur m'en soit témoin. Si j'avais su que, de mon vivant, j'aurais l'honneur de recevoir sous mon toit deux Aes Sedai..."
Des Aes Sedai quittent régulièrement la Tour pour des missions confiées par leur Ajah ou l'Amylrin et Melyna s'attendait à en croiser durant son voyage.
Mais c'était bien sa chance de choisir l'auberge où une Aes Sedai était déjà présente.
Ce n'était cependant pas forcement une mauvaise chose. L'Aes Sedai pouvait se rendre utile si elle connaissait bien la ville et ses habitants.
"Je vous remercie, j'accepterais volontiers que vous m'apportiez du thé au salon.
Pouvez vous me dire qui est cette Aes Sedai ?"
Peut-être soulagé que l'Aes Sedai accepte sa proposition, l'aubergiste risque un sourire et d'une invitation répétée de la main, la dirige vers le petit salon voisin, pratiquement vide à cette heure, et qui ne tardera sans doute pas à l'être. Un signe de tête à son épouse, et celle-ci a disparu dans les cuisines avec empressement pour préparer le thé.
"Alar Aes Sedai est arrivé de la Tour Noire il y a trois semaines environ, Aes Sedai. Bien sûr, je lui ai offert ma meilleure chambre également, mais il a insisté pour en avoir une beaucoup plus modeste, de même que son Lige."
Son ton laisse deviner qu'il trouve cela pour le moins inconvenant, même s'il ne peut critiquer ouvertement un Aes Sedai.
"C'est un jeune homme domani -eh, du moins il en a l'air- qui a passé beaucoup de temps à soigner les petites gens, Aes Sedai. Le reste du temps, il s'enferme dans sa chambre... il doit y être en ce moment."
Il désigne à l'Aes Sedai un fauteuil d'allure confortable, agréablement placé près de la cheminée.
"Puis-je encore vous être utile d'une quelconque façon, Aes Sedai ?"
hrp : Dans ce cycle il existe des Aes Sedai hommes et femmes
"Non merci, je souhaiterais être seule pour le moment"
Alar Sedai... Ce nom ne disait rien à Melyna.
La Tour avait beaucoup grossi et il était difficile de connaitre tous les Aes Sedai même dans sa propre Ajah.
Melyna n'était de toute façon pas l'Aes Sedai la plus sociale de la Tour.
Les jeux politiques l’intéressant peu, elle n'avait pas à se forcer à sociabiliser avec ses consœurs et confrères dans le but d'un quelconque poste de députée.
Elle n'avait pas voulu se montrer plus indiscrète auprès de l'aubergiste pour éviter qu'il se pose trop de questions ni lui demander de ne pas signaler sa présence, ce qui aurait également parût suspect.
La femme de l'aubergiste apporta le thé et Melyna perdue dans ses pensées ne lui prêta pas attention.
Elle but son thé tranquillement et se décida à aller voir cet Aes Sedai.
Après tout, il trouverait étrange que je ne vienne pas le saluer.
Et je pourrais mettre un nom sur son visage.
Melyna monta donc à l'étage et frappa à la porte d'Alar Sedai
Un profond ennui. Telle était l'émotion qu'Alar Sedai s'efforçait de conjurer, yeux clos, assis en tailleur à côté du lit étroit de la petite chambre d'allure spartiate. Il respirait profondément. Seule la présence diffuse de son frère aîné et Lige, Malark, qui lisait, jambes étendues devant lui dans une fausse allure nonchalante, et sa propre fatigue latente se joignaient à cette unique émotion. Il avait dépensé beaucoup d'énergie en passant la matinée à Guérir toute personne se présentant à lui et à converser avec chacune d'elle, et n'avait même plus l'esprit assez clair pour se livrer à ses recherches, ce qui était sans doute le pire. Il avait espéré trouver dans l'étude de la vérité, loin de l'agitation de la Tour, une contrepartie à la punition du Premier Raisonneur. Mais sa pensée avait à peine évolué depuis son arrivée à Mayene. Quelle perte de temps...
Deux coups légers frappés à la porte le firent à peine frémir. Malark fut le premier debout bien sûr, sans un bruit, et Alar répondit par un infime mouvement de tête d'approbation à l'interrogation qu'il perçut dans l'esprit de son Lige. Il n'avait pas bougé, mais ses yeux s'ouvrirent d'un coup lorsque Malark tira le battant à lui, soudain nimbé de surprise, et il commença à se relever.
"Aes Sedai" déclara le Lige, autant pour saluer la visiteuse que pour l'informer, lui, puis il s'inclina légèrement avant de se reculer pour la laisser entrer.
Alar faisait face à la nouvelle venue, désormais, mais ne s'accorda qu'une seconde pour détailler la grande femme brune, avant de s'incliner légèrement, visage dénué de toute expression. Son attitude témoignait d'un certain respect à l'égard d'une personne d'un rang supérieur. Il ne pouvait connaître la puissance de l'Aes Sedai, mais le masque sans âge sur son visage lui apprenait qu'elle était sans doute bien plus âgée et expérimentée que lui.
"Ma sœur" la salua-t-il. "Je suis Alar Sedai de l'Ajah Blanche. C'est un honneur de vous recevoir."
Il se redressa alors, attendant qu'elle expose les raisons de sa visite. Comme tous ceux de son Ajah, il portait des vêtements blancs dépourvus d'ornement, d'une simplicité déprimante malgré leur qualité. C'était un très jeune homme de petite taille au teint mat et aux yeux noirs, aux traits fins quoique quelconques nimbés de longs cheveux sombres, qui ne devait pas avoir obtenu le châle depuis plus de trois ou quatre ans. Pourtant, il n'affichait aucune surprise face à cette visite imprévue, rien qu'une sérénité parfaite qu'il n'était pourtant pas tout à fait certain de ressentir.
Mylena vit deux jeunes hommes dans la chambre avec un air de famille.
L'homme sur le lit se redressa et se présenta comme Alar Sedai.
Melyna nota l'indélicatesse qu'il avait à ne pas présenter l'autre homme présent dans la chambre. Au vu de sa tenue et de son attitude, Melyna supposa qu'il s'agissait d'un Lige.
L'homme paraissait extrêmement calme, mais elle pouvait voir qu'il était prêt à se jeter sur elle ou n'importe qui entrant dans la pièce si nécessaire.
Elle ne pu évidemment pas s'avancer sur la force d'Alar dans le pouvoir.
Ceci compliquait énormément les relations entre hommes et femmes à la Tour puisqu'il était impossible de savoir qui possédait la préséance sur l'autre.
Melyna garda cependant un visage impassible et s'adressa uniquement à Alar.
"Enchanté Alar Sedai. Je suis Melyna Sedai de l'Ajah Jaune.
L’aubergiste m'a informé de votre présence, je suis donc venu vous saluer.
Je ne souhaiterai cependant pas vous déranger si vous êtes occupé."
L'inadéquation pour les relations sociales d'Alar était une des raisons pour laquelle il avait provoqué l'ire glaciale du Premier Raisonneur, quoique certes pas la principale. Le trait de caractère était somme toute assez répandu au sein de son Ajah. Il ne réalisa pas son oubli avant qu'une salve d'amusement ne lui parvienne par le lien, et que le regarde impassible de l'Aes Sedai ne glisse une seconde de trop vers Malark. Alors, il lui fallut toute sa maîtrise pour ne pas rougir comme un novice. Présenter son propre frère aîné lui paraissait toujours aussi incongru. Avant qu'il n'obtienne le châle, Malark se chargeait des présentations.
Il fit comme si de rien n'était cependant, et acquiesça respectueusement au nom de la sœur Jaune, soulagé malgré tout qu'elle ne soit ni une Rouge, ni une Noire. Il n'avait pas suspecté sa propre Ajah, qui était la moins nombreuse et dont il connaissait tous les membres. Au mieux, l'intérêt des Jaunes pour les soins et la société l'indifférait, mais il n'y avait pas d'oppositions entre leurs camps. Il affirma donc avec sincérité :
"Vous ne me dérangez nullement, au contraire, je vous remercie de votre visite, Melyna Sedai. Permettez-moi de vous présenter mon frère, Malark Gaidin."
Il était impatient d'entendre des nouvelles de la Tour, même s'il ne pouvait le déclarer ainsi tout de go. Cherchant comment formuler au mieux sa pensée, il laissa s'écouler un instant avant de proposer :
"Je crains de n'avoir que peu de place pour vous recevoir, mais nous pourrions converser un instant au salon ou tout en marchant sur les quais, si cela vous sied. Depuis que je suis à Mayene je n'ai guère eu l'occasion d'échanger avec une Sœur."
La chambre contenait en tout et pour tout une chaise, celle qu'avait occupée Malark, Il avait tout de même un minimum de sens des convenances.
L'autre homme était donc bien le lige d'Alar comme Melyna s'en était douté.
Il était étrange de trouver ici un Aes Sedai de l'Ajah Blanche qui s’intéresse assez peu aux relations extérieures et quitte assez rarement la Tour.
Sa curiosité piquée, Melyna décida d'essayer d'en savoir un peu plus.
"Je serais ravie d'aller marcher un peu dans Mayenne. Je viens d'arriver et n'était pas venu ici depuis longtemps. La ville doit avoir beaucoup changé"
Melyna se retourna et commença à se diriger vers l'escalier sans attendre de voir si Alar la suivait.
"J'ai appris que vous aviez guéri quelques habitants des alentours ?"
Évidemment, une Jaune allait poser cette question avant toute autre. S'apprêtant à lui emboîter le pas, Alar sentit presque physiquement son Lige le foudroyer du regard, ralentit le temps de saisir une cape et de la jeter sur ses épaules, puis s'engagea dans les escaliers, suivi de près par Malark.
"En effet, Melyna Sedai. Tous les matins, toute personne désirant conseil et soin peut venir me trouver dans l'arrière-salle de l'auberge. Au début ils étaient peu nombreux mais cela commence à changer."
Évidemment qu'ils étaient peu nombreux. Tout le monde savait que les Aes Sedai de la Tour Noire n'étaient les servants de tous que de nom, et ne faisaient rien gratuitement, à moins d'y trouver un intérêt quelconque. Pour lever le moindre doute quant à son possible sens aigu de la compassion, il ajouta froidement :
"Il s'agit surtout d'un prétexte pour leur poser des questions, bien sûr. J'étudie l'impact émotionnel des populations pauvres et moyennes comme donnée quantifiable sur l'économie d'une cité."
Pour quiconque connaissait un tant soit peu l'Ajah Blanche, cela pouvait signifier deux choses. Soit il cachait les véritables raisons de sa venue, soit cette déclaration criait presque ouvertement 'pénitence'. Personne à l'Ajah Blanche ne se souciait de l'impact émotionnel de quoi que ce soit. Une pointe d'agacement renouvelée le traversa devant une telle perte de temps. Le moment que choisit l'aubergiste pour les dépasser et leur ouvrir la porte, assurant au passage à Melyna Sedai que sa chambre serait prête à l'accueillir à son retour. Lui adressant tout juste un signe de tête, Alar rajusta sa cape comme la brise humide et fraîche de l'hiver de Mayene venait à leur rencontre.
"Bien sûr, je ne peux prétendre égaler une Jaune dans ce domaine, mais je ne doute pas que vous ayez mieux à faire ici qu'une tâche si rébarbative. Avez-vous Voyagé depuis la Tour ?"
S'il s'intéressait aux raisons de sa venue au-delà de la simple politesse, il n'en montra rien. Mais les Blancs ne s'intéressaient qu'à la logique et aux mathématiques, n'est-ce pas ? Silencieux comme une Ombre, le Lige les suivait à faible distance, attentif aux passants qu'ils croisaient dans les rues animées.
Même si Melyna n'était pas venue à Mayene depuis plusieurs années, la ville ne semblait pas avoir changé.
Les échoppes étaient différentes mais il semblait que l'Elu dirigeant cette ville n'avait pas voulu beaucoup s'impliquer dans la vie de la cité comme c'était parfois le cas.
La raison donnée par Alar semblait très étrange. Que faisait réellement ce jeune Aes Sedai loin de la Tour?
"J'ai quitté la tour depuis quelques semaines seulement et arrive tout juste de Tear.
Effectivement je ne suis pas venue ici pour soigner les pauvres gens même si c'est très... honorable de votre part.
L'impact émotionnel dites vous ? Avez vous pu apprendre des choses intéressantes ? "
Le regard de Melyna se porta sur une fenêtre d'un beau bâtiment et elle remarque un vase bleu dans lequel se trouvait un bouquet d'iris bleues elles aussi.
Ces fleurs étaient assez rares à trouver et cette combinaison était un des signes de la résistance.
Melyna vit sortir de la demeure un homme brun barbu et bien habillé.
Voilà là où elle devait aller.
Mais il fallait d'abord qu'elle finisse cette conversation.
Si Melyna Sedai fut dubitative ou sarcastique suite aux raisons qu'il avait avancées, elle n'en montra rien, ce dont Alar lui fut gré. Son propre visage conserva le masque serein propre aux Blancs, mais il ne put s'empêcher de ressentir une pointe de déception en apprenant que la sœur jaune avait voyagé par la route et non avec un portail. Elle était probablement partie de la Tour avant lui, et n'avait donc rien de récent à lui apprendre. Comme elle ralentissait le pas pour, semblait-il, admirer un bâtiment un peu plus reluisant et élégamment fleuri que les autres, il esquissa un sourire à sa question et lui répondit factuellement :
"Les habitants des quartiers du port se disent plus souvent satisfaits de leur sort que ceux des remparts, et la récente exacerbation des conflits entre Tear et Mayene semble peser dans les consciences. Oh... Cela fait aussi quelques mois qu'une vague de disparition semble toucher des jeunes hommes entre dix-sept et vingt-six ans, et accroît l'inquiétude des populations. Je n'ai pas encore calculé l'impact réel de ces données sur Mayene."
Lui-même ne voyait guère d'intérêt à tout cela, mais il ajouta courtoisement :
"Si la situation à Mayene vous intéresse pour une raison ou une autre, je vous en dirai davantage à l'occasion, bien entendu."
Des jeunes hommes qui disparaissent ?
Enfin une information intéressante !
Qui peut bien être derrière ces disparitions ? Un Elu qui cherchent des servants ?
"Nous pourrons discuter de cela à l'occasion.
J'aimerais aller faire quelques emplettes et visiter une herboristerie maintenant si cela ne vous dérange pas.
Nous nous recroiserons sûrement à l'auberge plus tard"
Melyna suivait des yeux l'homme qui était sorti de la demeure et se dirigeait vers le centre ville.
L'occasion qu'il attendait s'était présentée plus tôt que prévu : Ean venait d'apercevoir par la fenêtre l'Aes Sedai dont on venait de lui signaler l'arrivée en ville. Elle marchait au côté de l'Aes Sedai arrivé depuis quelque temps déjà, qui prodiguait des soins à l'auberge. Ean et la résistance avaient discrètement encouragé la population locale à profiter de l'occasion pour faire soigner leurs maladies éventuelles. Les secrets de la résistance étaient saufs : parmi le petit peuple concerné, personne n'en savait assez pour trop en dire dans le cadre d'une simple conversation informelle avec un Aes Sedai. Il fallait profiter de tout ce qui pouvait soulager la misère des gens.
L'Aes Sedai vêtu de blanc n'intéressait pas Ean. Plus tôt dans la semaine, il avait envoyé un homme de confiance tenter d'établir un contact au cas où le Serviteur de tous aurait appartenu à l'Ajah bleue, mais aucun des signes de reconnaissance n'avaient fonctionné.
Ean s'était empressé de placer près de la fenêtre un vase bleu contenant des bleuets afin de guetter la réaction de la nouvelle Aes Sedai. S'il avait appris une chose à propos des représentants de la Tour noire, c'était qu'il fallait toujours compter sur leur sens de l'observation - pour s'en méfier, dans l'immense majorité des cas, mais parfois aussi pour établir un contact.
L'Aes Sedai avait aperçu le vase. Ce n'était pas suffisant pour être sûr de quoi que ce soit, et dans le doute, il tira aussitôt les rideaux de la fenêtre afin de masquer les fleurs. Il était toujours capital d'éviter les risques inutiles. S'il se faisait repérer, c'était la torture assurée, et peut-être la mort, pour lui et pour tout autre membre du réseau compromis. Ean avait appris à la dure ce que signifiait le fait de vivre dans la clandestinité et l'illégalité.
Il s'apprêtait à aller se changer pour revêtir ses atours de carrier avant de sortir par derrière et de retrouver la grande rue en passant par une allée latérale, mais une pensée soudaine l'arrêta dans son élan. Il retourna à la fenêtre afin de jeter un coup d’œil discret vers les deux Aes Sedai. Porter une tenue classique élégante serait un risque pour Ean : quelqu'un pouvait le reconnaître et le dénoncer pour toucher une prime ou obtenir un quelconque privilège. Pourtant, ce serait aussi le moyen de faciliter le contact avec l'Aes Sedai si celle-ci se décidait à le suivre. Il décrocha donc d'un porte-manteau une veste vert foncé passementée de motifs végétaux jaune foncé, mit sur la tête un chapeau aux larges bords pour couvrir un minimum son visage dans la pénombre du soir, puis sortit par la porte principale dans la rue sans jeter un regard vers les deux Aes Sedai toujours en pleine discussion.
Il dirigea ses pas vers le vieux centre de Mayène, attenant au port. Si ses yeux ne le trompaient pas, il y avait de fortes chances que cette Aes Sedai soit de l'Ajah jaune. L'herboristerie de la vieille Tedra aurait fait un lieu de rencontre idéal s'il n'avait eu à préserver son anonymat. Il devrait se contenter de regarder les produits artisanaux étalés derrière une grande fenêtre de l'échoppe. Quelques mots échangés suffiraient certainement à établir un contact si l'Aes Sedai s'avérait réellement appartenir à l'Ajah bleue. Après cela, il lui suffirait de la guider à travers un dédale de ruelles à l'ombre des remparts jusqu'à une cache de la résistance.
Il prit bien soin de ne pas marcher trop vite afin de ne pas obliger l'Aes Sedai à presser le pas.
Alar aurait-il été d'une nature plus orgueilleuse et plus versée dans les complots et jeux de pouvoir de la Tour, il aurait probablement pris ombrage de la façon dont la soeur jaune venait, très clairement, de lui signifier son congé. Mais sa jeunesse et son inexpérience faisaient qu'il devait reconnaître l'autorité de l'Aes Sedai, à défaut de connaître sa puissance. Il ralentit donc le pas, s'arrêta finalement et s'inclina légèrement devant Melyna.
"Bien entendu, Melyna Sedai, ce sera un plaisir de converser plus longuement avec vous. Que le Grand Seigneur vous soit propice."
Il s'éloigna sur ces mots, en direction de l'auberge. Cette brève marche l'avait distrait suffisamment pour qu'il puisse envisager de se replonger dans ses études, avant que la fatigue ne le reprenne. Mais alors qu'il allongeait le pas, Malark, qui était resté en retrait, vint se placer à ses côtés.
"Tu as remarqué ?" demanda-t-il sur le ton de la conversation.
"Hm ?"
Alar n'avait pas attendu plus longtemps pour replonger dans ses réflexions, et tourna vers son frère un regard vague. Celui-ci, cette fois-ci, ne prit pas la peine de retenir un soupir.
"Elle a mis fin à la conversation après avoir aperçu cet homme barbu."
"Vraiment ? Il y avait une telle personne ?"
un membre des yeux et oreilles de son ajah peut-être, même si les Jaunes, à l'image des Blancs, n'étaient pas réputés pour leur réseau d'espionnage. Le mélange d'amusement et de consternation qui lui parvint par le lien lui fit lever les yeux vers son aîné, et il tapota doucement son épaule.
"Malark, tu aurais fait un frère Noir remarquable, mais par pitié, laissons ça de côté pour le moment. Serait-elle la Na'eblis en personne que je ne pourrais moins m'en soucier..."
Melyna attendit un peu qu'Alar s’éloigne, soulagée qu'il ait compris rapidement qu'elle souhaitait rester seule et qu'il n'insiste pas pour poursuivre la conversation.
Elle passa devant quelques échoppes et s'arrêta devant celle où l'homme observait des objets sur un étal.
Elle fit semblant d'examiner quelques objets puis s'approcha de l'homme.
"Excusez moi, connaissez vous bien ce quartier ? Savez vous où je peux trouver la boutique de Maître Simson ?"
Ean leva les yeux comme s'il découvrait l'Aes Sedai pour la première fois. Il la salua aussitôt avec le respect de l'homme qui sait à qui il s'adresse en disant "Aes Sedai", puis leva le bras à l'horizontale vers le port en désignant la direction de l'index, le pouce parallèle à l'index et les autres doigts repliés :
"C'est dans cette direction, Aes Sedai. Si vous me le permettez, je peux vous y accompagner."
Il attendit l'accord de son interlocutrice pour avancer dans la direction indiquée.
Le deuxième signal était le bon. Il ne pouvait plus y avoir de coïncidences, cet homme faisait bien parti de la résistance.
Melyna avait été extrêmement chanceuse de tomber sur lui à peine arrivée en ville.
"Pouvons nous trouver un endroit discret pour discuter ?"
