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(2è Cycle) Non Loin de Rhuidean, dans le Désert, un nouveau départ.
(Sujet créé par Elessar l 20/04/11 à 12:06)
Après l'apogée du Grand Seigneur, de nombreuses tribus Aiels ont été décimés. Aujourd'hui, comme partout, ceux qui croient encore en la rédemption se cachent en attendant leur heure.
C'est en ces temps troublés, que certains se tourneront vers l'ombre, et l'éclaireront de leur lumière.
"M'Hael!" Dit Shoran en voyant Elessar s'approcher, le poing sur la poitrine. Il s'avança vers lui, pour mettre un peu de distance avec le groupe. Ces personnes n'avaient pas à savoir tout ce qu'il avait à dire. En tout cas, pas avant d'avoir fait leurs preuves... "Tsorovan M'Hael au rapport. Mission accomplie, comme vous pouvez le constater. Cependant, il y a eu quelques... contretemps. Tremonsien a été attaqué par des Engeances de l'Ombre, et plusieurs canalisateurs rôdaient en ville. Je ne sais pas exactement ce qu'il s'y est passé, mais il semblerait, d'après une voix qui émanait de quelque part en ville, que l'Élue Berislav y fut. Et d'humeur peu accommodante."
Il avait toujours eu du mal à résister à ce regard froid et dur. Il ne se sentait de plus pas à l'aise avec les gens qui le regardaient droit dans les yeux. Pourtant, il ne s'offusqua pas ni ne détourna son propre regard.
"Ces gens nous sont plus ou moins tombés dessus lorsque nous partions, et Demiandre les connaissaient. Ou en tout cas une partie. Vu les circonstances, j'ai préféré joindre nos forces plutôt que de nous séparer. Sachant que Dame Faisani" Il se tourna vers le groupe pour la désigner "faisait des siennes et tentait de contrarier nos objectifs. Un peu de temps auprès des Sagettes ne lui ferait pas de mal à mon avis."
*Elessar passa sa main dans ses cheveux blond ébouriffé. La situation se compliquait avec l'arrivé du groupe. La baguette tournait toujours entre les doigts de sa main droite. Shoran l'agaçait, mais il avait besoin de lui.*
~J'aurais du te laisser ou je t'ai trouvé sacré T'sorovan M'Hael !~
Il ne sait pas passé grand chose, a part l'arrivée des autres *dit il en montrant le camp d'un mouvement de bras.*
Nous nous préparons pour l'arrivée des aiels...Ah ! oui, je suis allé chercher ça. *Il lui montra la baguette.
Il se tourna vers Enora.*
Je te présente Enora Sedai, le Baijan M'Hael, ton binôme qui s'occupera des femmes.
Avant que nous nous entretenions plus en privé, vos "amis" ont-ils besoin de quelques choses ?
*Elessar fixa Owyn qui semblait pour le moins livide.*
Mélisande suivit le groupe, attentive à ce qu'Owyn ne glisse pas de cheval, et écouta attentivement la discussion des deux hommes.
Une discussion intrigante pour le moins... M'hael, Asha'man... Qui étaient ces gens exactement ? L'un d'eux était-il Elessar ? Il lui tardait d'obtenir des réponses. Malheureusement, pour le moment, Owyn devait rester sa priorité. Il risquait encore de mourir si elle ne s'en occupait pas.
Aussi, quand le "M'hael" posa une question, elle se tourna vers lui.
-Voyez avec mes compagnons de voyage s'ils ont besoin de quoi que ce soit, répondit-elle d'une voix naturelle, comme si elle était en réunion mondaine, et non pas au milieu d'ennemis potentiels. Quand à moi, j'aurai besoin qu'on m'aide à transporter mon compagnon à l'abri du soleil, afin que je finisse de le soigner.
Aussitôt dit, elle se désintéressa complètement, du moins en apparence, du M'hael et des autres personnes présentes pour se concentrer sur Owyn que deux hommes firent descendre de cheval. Elle les suivit dans une tente où l'on allongea son nouveau lige, puis ordonna qu'on les laisse seul. Quand ce fut fait, elle ouvrit la chemise poisseuse de sang de l'homme afin d'examiner quelles blessures il lui restait à soigner.
Alyn n’en croyait pas ses oreilles. Cet inconnu nous pousse à traverser la moitié du continent sans donner de destination et il s'inquiète ensuite de logistique? Alors qu’il peut sauter directement dans les Marches pour y récolter toute la glace qui s’y trouve?
Deux inconnus en tenues sombres s’approchèrent d’eux. L’homme, blonds aux yeux bleus et la femme, brune et jolie, s’arrêtèrent à petite distance du groupe. L’homme les toisait d’un regard glacial, il avait l’air contrarié. Il tenait un petit bâton dans sa main et la faisait tourner dans ses doigts.
Baer demanda à voix haute « Si ces gens ne sont pas les Aiels, alors qui sont-ils? » Surtout, que font-ils au milieu du désert ?
L’homme blond répondit d’une voix claire : « Ils sont ma force de frappe. Ce sont les Asha'mans. » Alyn reconnu là un mot de l'Ancienne Langue, mais il n'avait pas encore étudié assez longtemps pour en connaître le sens.
L'homme se tourna ensuite vers celui qui les avait amené à cet endroit, et qui s’était d’ailleurs approché - sans doute pour expliquer leur présence en ce lieu. A un moment, il fit un geste en direction de Mélisande. L’homme blond lui répondit quelque chose en montrant le camp d’un geste du bras, puis il tendit la baguette en direction de leur guide et se tourna ensuite vers la femme qui l’accompagnait. Il s’adressa à nouveau au canaliseur pour demander autre chose.
Mélisande s’était placée à la tête du groupe et semblait avoir compris ce qu’il disait car elle déclara :
-Voyez avec mes compagnons de voyage s'ils ont besoin de quoi que ce soit. Quand à moi, j'aurai besoin qu'on m'aide à transporter mon compagnon à l'abri du soleil, afin que je finisse de le soigner.
Aussitôt dit, aussitôt fait, Owyn fut transport dans une tente, l’Aes Sedai sur ses talons. Il la regarda s’éloigner. Allons bon, voilà ma lettre qui s’envole maintenant! Il faudra que je trouve un prétexte pour la retrouver. Passer pour son serviteur peut-être?
« Où pouvons-nous attacher ces chevaux ? » Autant avoir l’air sûr de soi. Malgré tout, il ne tournerait pas le dos à ses étrangers avant une explication sur leurs intentions, il gardait d'ailleurs les chevaux derrière lui et avait libéré sa main droite pour défourailler plus rapidement en cas de besoin. « Ils sont frais et ont déjà été nourris. A part cela, un coin d’ombre et un linge pour se débarbouiller seraient les bienvenus. » Un endroit protégé du soleil pour dormir, ça ce serait l’idéal! Mettre un terme à cette journée pourrie!
"Il ne sait pas passé grand chose, a part l'arrivée des autres. Nous nous préparons pour l'arrivée des aiels...Ah ! oui, je suis allé chercher ça." Dit-il avec un air de contentement, lui montrant une courte baguette faite dans un matériau inconnu.
*Qu'est-ce donc?* "Je te présente Enora Sedai, le Baijan M'Hael, ton binôme qui s'occupera des femmes." repris t-il ensuite.
"Enchanté, Baijan M'Hael. Je suis, comme vous l'aurez compris, le Tsorovan M'Hael, Shoran." Il ne savait pas quoi dire d'autre. Il n'avait jamais été très sociable...
"Avant que nous nous entretenions plus en privé, vos "amis" ont-ils besoin de quelques choses ?" Demanda enfin Elessar.
Tandis que Dame Faisani demandait une tente pour transporter le blessé, Shoran fit un geste en direction de deux Soldats qui utilisèrent des Flux d'Air pour porter le blessé dans une tente. Un autre homme demanda où laisser les chevaux et se débarbouiller.
"Pouvons nous leur offrir l'eau et l'ombre, M'Hael?" lui demanda t'il? "Ils pourront se reposer pendant que je vous ferais un rapport plus détaillé"
*Elessar haussa un sourcil lorsque Shoran utilisa des termes aiels. Il n'avait pas l'habitude d'user des coutumes aiels lorsque ceux ci n'étaient présent.
Il fit un geste de tête à l'Asha'man qui le suivait depuis sa tente. Lorsque celui-ci fut assez prêt il entama.*
Allez placer leurs montures avec les chevaux de bat et trouvez leurs une tente. Voyez avec eux, mais je pense que...*Il montra Alyn et Galain.* Ces deux là resteront ensemble. Montez également une tente pour la dame et le blesser.
"Et le dernier, M'Hael ?"
*Elessar tourna la tête vers Demiandre, avec un léger sourire aux lèvres.*
Inscrivez le sur la liste des Soldats et fournissez lui l'équipement, il rejoindra les autres recrues sous peu.
*L'Asha'Man regarda hésitant Shoran. Ce qui agaça Elessar.*
Le T'Sorovan M'hael n'aura pas le temps de s'occuper de vous pour l'instant, alors débrouillez vous un peu..A moins que vous ne méritiez pas le dragon...
*Il n'en fallut pas plus à l'homme pour détaller pour accomplir ses tâches, en passant il fit signe à Demiandre de le suivre. Elessar regarda les présents.*
Si vous voulez bien nous excusez, nous allons prendre congé...*Il tourna le dos pour s'en aller quand il s'arrêta tournant la tête.*
Il est bien évidant qu'il serait pour le moins incongru de vouloir s'enfuir, vous êtes en plein désert. Essayez de vous acclimatez mais évitez les problèmes, vous êtes entouré d'un demi millier de canalisateurs...
*Il tourna la tête vers Shoran.*
N'oublie pas qu'ils sont sous ta responsabilité...
*Enora avait eu du mal à suivre le rythme d'Elessar alors qu'il traversait comme une flèche le campement. Elle maudissait entre ses dents le sable mais elle finirait bien par s'y habituer. Arrivée aux côtés du M'Hael qui éclaircissait la situation face au petit groupe et toisait le Tsorovan M'Hael -qu'elle reconnut lorsqu'il s'adressa à Elessar en l'appellant M'Hael- , elle posa ses yeux noisette tour à tour sur les personnes présentes, sans pour autant les dévisager. Son visage était impassible, mais son regard ne traduisait aucune animosité, bien que mobile. Autant leur donner ne fut-ce qu'une lueur d'espoir, cela les rendrait plus faciles à amadouer en cas de problème. Elle évalua rapidement chacun, les gestes et réactions. Certains semblaient à peine savoir dans quoi ils s'étaient fourrés et étaient tout aussi perplexe qu'elle quelques heures auparavant du fait de se retrouver dans le désert.*
*Elle écouta l'échange entre Shoran et Elessar. Elle se demanda de quelle mission le Tsorovan M'Hael avait été chargé et les ennuis que le groupe avait rencontré, ce qui avait semble-t-il poussé à sa formation. Ce dont son lige semblait vraissemblablement mécontent. Son regard glissa vers la baguette lorsqu'il la mentionna. C'était une bonne chose qu'ils l'aient récupérée, elle pourrait avoir un usage supplémentaire que celui prévu initialement. Après tout, il lui sembla dans son souvenir que n'importe quel serment prononcé avec la baguette devait être tenu, ou du moins était-ce quelque chose de ce goût-là.*
*La canalisatrice inclina quelque peu la tête lorsqu'Elessar lui présenta Shoran.*
"Enchanté, Baijan M'Hael. Je suis, comme vous l'aurez compris, le Tsorovan M'Hael, Shoran."
"Moi de même, Tsorovan M'Hael." Cela lui semblait très formel comme présentation. "On m'a beaucoup parlé de vous." Elle dut se retenir de sourire, ce n'était pas vraiment la vérité. Disons que sentir Elessar pester contre celui qui s'occupait de la formation des hommes y avait contribuer. "Heureuse de voir que vous vous en êtes sorti malgré les dangers que vous nous relater." Sa phrase manquait peut-être un peu de chaleur, mais après tout, elle était ce qu'elle était, habituée à paraitre plus froide que ce qu'elle était en réalité.
*Elle avait suivi les demandes de chacun d'une oreille distraite, mais elle veillerait plus tard que personne ne manque de rien si elle en avait le temps. Après tout, comme le soulignait le M'Hael, ces personnes étaient du ressort de Shoran. Cela lui permettrait d'en savoir davantage, même si un rapport détaillé allait être présenté.*
Des éclairs rouges et jaunes. Les paupières closes de l'homme frémirent, et bien avant qu'il fasse le moindre mouvement, Mélisande put le sentir reprendre conscience peu à peu. D'abord un mélange confus de tristesse et de désespoir, une douloureuse sensation de vide qui se dissipa en partie alors qu'Owyn revenait à lui, découvrant cette présence étrange mais peut-être rassurante, qui comblait en partie le vide destructeur de son esprit et de son âme. Il fallut encore plusieurs minutes, cependant, avant qu'il reprenne conscience pour de bon. Il bougea légèrement la tête, et une expression douloureuse apparut sur son visage, comme si ce simple mouvement avait réveillé toutes les souffrances de son corps. Machinalement, il porta sa main à son flanc, et le sang épais poissa ses doigts, mais il ne sentit aucune blessure. Alors, quelques souvenirs de cette nuit mouvementée lui revinrent d'un bloc. Dans un souffle affaibli, il murmura :
"... A... lea..."
Son visage se tourna instinctivement vers l'Aes Sedai, vers la présence dans son esprit. Il ouvrit les yeux... La lumière soudaine l'aveugla. Détournant la tête, il laissa passer quelques secondes, avant de ramener son regard sur... sur Mélisande Sedai. Un choc brutal ébranla son esprit, alors qu'une certaine confusion pouvait se lire sur son visage blême. L'état d'extrême faiblesse dans lequel il se trouvait empêcha heureusement des réactions plus vives, alors qu'il prenait peu à peu conscience de la situation dans laquelle il se trouvait. Alea morte... le nouveau lien n'avait pu effacer la douleur engendrée par sa perte, même s'il avait en partie comblé un vide... même s'il l'empêchait de trouver le repos dans la mort. Et après le désespoir, la tristesse, voire même la peur, il sentit une profonde lassitude l'envahir, alors qu'il s'efforçait de comprendre le lien qui l'unissait à présent à cette femme presque inconnue, agenouillée à côté de lui. Concentration, réflexion... peut-être excitation, ou curiosité. Il la sentait dans son esprit, et leur proximité actuelle rendait ces sensations d'autant plus vives. De ses yeux ternis par la douleur et l'épuisement, il chercha à croiser son regard :
"... Pourquoi..."
Oui, pourquoi avait-elle fait ça ? Pourquoi l'avait-elle privée de ce repos tant désiré ? Car il vivrait, il le sentait. Malgré ses blessures et sa faiblesse, il survivrait, juste parce que ce lien l'y obligeait. Juste pour elle. Sa vue se brouilla, et le visage lisse de la femme penchée au-dessus de lui se dissipa. Il ferma les yeux, mais parvint à rester en partie conscient. Il voulait savoir.
Galain n'avait pas suivi la conversation entre les deux hommes. Il fixait simplement celui qui les avait mené ici et ne pouvais s'empêcher de voir dans son allure, dans ses traits, quelque chose de terriblement familier, de terriblement proche et d'en même temps lointain. Il s'éveilla de sa torpeur lorsque une voix se fit un peu plus forte.
"Allez placer leurs montures avec les chevaux de bat et trouvez leurs une tente. Voyez avec eux, mais je pense que..."
Il avait pointé son doigt vers lui et Alyn. Il sentait vaguement qu'il était mis à l'écart mais n'en avait cure. Des flash gris lui perçait les yeux par éclair brusque, et lui donnait un étrange vertige.
Pour l'heure, il ne rêvait que d'un endroit où dormir et oublier cette nuit.
Les étrangers, qui semblaient être les dirigeants du campement, discutèrent encore un moment, puis, l'homme blond fit venir un homme, lui aussi habillé en noir, pour lui donner quelques ordres. Il se tourna ensuite vers Alyn et les autres. "Si vous voulez bien nous excusez, nous allons prendre congé... Il est bien évidant qu'il serait pour le moins incongru de vouloir s'enfuir, vous êtes en plein désert. Essayez de vous acclimatez mais évitez les problèmes, vous êtes entouré d'un demi millier de canalisateurs... " On peut dire qu'il est fier de son campement! Et il confirme du même coup le statut de prisonniers.
Il tourna ensuite la tête vers celui qui les avait amené dans le désert et qui apparemment se nommait Shoran. "N'oublie pas qu'ils sont sous ta responsabilité..." Sans en dire plus, il repartit dans la direction d'où il était venu. On peut donc agir à notre guise, c'est ce T'sorovan M'hael qui payera la note! Il eut un petit sourire, qui s'évanouit aussi vite qu'il avait apparu... Au moins, ils n'ont pas l'air de vouloir nous laisser sécher au soleil, c'est déjà ça.
Le soldat en noir qui avait emmené Baer revint rapidement chercher les chevaux et leur dire que leurs tentes étaient prêtes. Il n'avait pas l'air de très bonne humeur. Il aurait certainement préféré se trouver dans la tente de commandement, plutôt que de nous servir d'escorte. On vient de se faire un ennemi.
Après avoir conduit les chevaux au piquet, le petit groupe le suivit jusqu'à deux tentes de petite taille, plantées à la limite entre le camp Aiel et celui des hommes en noir. Il repéra les lieux pour éviter de se perdre dans ce dédale de toiles et de cordes et remercia l'homme en noir, qui partit sans rien ajouter. Mélisande Sedai n'était pas encore arrivée, elle devait toujours s'occuper du maître d'armes ailleurs.
Il regarda les alentours. Des hommes en noir circulaient sans - semblait-il - leur prêter attention. Alyn supposait que certains étaient là pour les surveiller, c'est ce qu'il aurait fait à leur place. Si nous sommes des espions, nous pourrions très bien tenter de bouter le feu aux réserves de nourriture ou au stock d'armes, encore que ces soldats-là ont la possibilité de refaire leurs provisions en quelques minutes et qu'ils n'ont guère besoin d'armes. Pourquoi sont-ils venus former une armée de canaliseurs dans cet endroit oublié du monde? Il soupira.
"Bon, je vous propose de nous reposer le reste de la matinée, ensuite nous verrons pour la nourriture et le futur. Qu'en pensez-vous?" demanda t-il au reste du groupe. Mais quand Mélisande Sedai reviendra, elle n'en fera qu'à sa tête, sans se préoccuper de notre avis. Il ouvrit le rabats de la tente la plus proche et découvrit quelques couvertures à l'intérieur. Il n'avait plus dormi ni mangé depuis la veille au matin et avait grand besoin de se reposer maintenant que l'occasion s'en présentait.
Il déroula une couverture, l'étala sur le sol sableux, ôta sa veste, couverte du sang d'Owyn et la roula en boule dans un coin. Par contre il garda ses bottes aux pieds et son arme à portée de main. Il s'allongea ensuite et ferma les yeux. Autant se reposer pendant que les M'haels ceci ou M'hael cela discutent ensemble, on sera plus frais pour agir s'il faut bouger en urgence.
Mélisande sentit son lige se réveiller avant même qu'il n'eut bougé. Il ne souffrait plus autant, ce qui confirma à l'Aes Sedai que les longues heures qu'elle avait passé à son chevet, à Guérir blessure après blessure avaient porté leurs fruits. Elle n'avait laissé de côté que des blessures mineures, dont elle s'occuperait plus tard, quand elle et lui auraient récupéré de la Guérison.
Un peu plus tôt, on leur avait apporté de la nourriture et elle l'avait entamée avec appétit. Le blessé n'était pas le seul à être affaibli par la Guérison, et elle mourrait de faim. Elle s'était toutefois arrêtée rapidement, afin d'en laisser à son nouveau lige.
Elle l'entendit murmurer un nom de femme -sans doute celui de son ancienne Aes Sedai-. La compassion l'envahit. Elle devinait, maintenant qu'elle avait un lige, la douleur que cela devait être de perdre ce lien. Elle s'étonnait même qu'Owyn ne se soit pas laissé mourir sur place.
Elle sentit ses émotions, désespoir, peur, souffrance, curiosité, lassitude débouler en lui en vagues successives.
Il posa finalement une simple question. Pourquoi lui avait-elle infligé cela, alors que son envie de mourir après la mort d'Aléa était si forte.
Se levant des coussins où elle s'était allongée, elle alla s'assoir près du lige, en saisissant au passage un plateau chargé de nourriture. Le déposant à ses côtés, elle essuya d'un linge le front luisant de sueur d'Owyn, et laissa sa main sur son front, en un geste apaisant.
-Parce que c'était le seul moyen de sauver votre vie, répondit-elle avec davantage de sincérité et de tendresse qu'elle n'en montrait d'habitude. Et croyez-moi, je n'ai pas l'habitude de laisser mourir les gens sans rien faire, quand il est encore temps d'agir. Et parce que je crois que vous luttiez contre cette envie de mourir causée par la perte du lien. Sans cela, jamais vous n'auriez eu la force de chercher à me rejoindre. Enfin, parce que j'ai besoin de vous, Owyn Gaidin, en cet endroit plein de dangers.
Je comprendrai si vous m'en vouliez, mais je ne regretterai pas mon geste, ni ne détruirai le lien. Nous apprendrons à vivre ainsi, l'un et l'autre.
Nous avons beaucoup à nous dire je crois. Je répondrai à vos questions, mais uniquement si vous acceptez de manger en même temps. Vous devez reprendre des forces.
Elle souleva le blessé avec un tissage d'air, saisissant la source avec peine tant elle était fatiguée, et plaça sous lui des coussins pour qu'il puisse s'assoir. Enfin, elle posa le plateau sur ses jambes, et commença à découper une cuisse de poulet pour lui.
Il sentit d'abord le contact léger d'un tissu sur son front, pour essuyer la sueur causée par la douleur, la chaleur et la fièvre. Un simple contact, mais qui le ramena un peu alors qu'il sombrait de nouveau, et il rouvrit les yeux avec difficultés, se raccrochant presque malgré lui à la sensation de cette main tiède et, d'une certaine façon, rassurante autant que dérangeante. Il n'avait pas la force de la repousser... pas la force de lutter, pas même d'éprouver de haine ou de rancœur pour cette femme qui était allée contre l'ordre des choses. Un Lige qui perdait son Aes Sedai mourait... Il en avait toujours été ainsi... Il devait en être ainsi... Et il l'avait accepté bien longtemps auparavant. Souhaité même, pendant toute cette interminable soirée.
Et voilà que les paroles de Mélisande le troublait... Avait-il voulu survivre malgré tout, comme elle le disait ? Cette idée l'horrifiait... Mais son devoir seul aurait-il pu suffire à le maintenir en vie, malgré ses blessures et la douleur ? Ébranlé, Owyn sentit la culpabilité et la tristesse l'étreindre à nouveau, malgré la douceur curieuse de l'Aes Sedai. De nombreuses émotions se mélangeaient dans son esprit, mêlées à des questionnements confus, et il réagit à peine quand les flots invisibles du pouvoir le soulevèrent, bien qu'il sentît l'épuisement de Mélisande. Elle avait dépensé beaucoup d'énergie pour le guérir et l'aider... Et malgré la rancoeur qu'il aurait dû éprouver -qu'il éprouvait peut-être-, il lui semblait qu'il ne le méritait guère. Il baissa la tête.
"Vous en vouloir... Des questions... Je ne sais pas... Elle est morte sans que je puisse l'empêcher... je suis indigne du titre de Gaidin."
Et indigne de la protéger, elle, désormais. Il le pensait, mais ne parvenait à le dire. Malgré tout, il n'arrivait pas encore à se faire à l'idée de ce lien imposé. Relevant faiblement la tête, il fixa d'abord le plateau de nourriture posé sur ses genoux, puis croisa son regard. Aurait-il dû la remercier pour l'avoir sauvé ? Mais elle ne lui avait guère laissé le choix... Il se sentait confus. Mais alors qu'il cherchait à retranscrire en mots inutiles le déferlement d'émotions qui le traversait, une première question le frappa de plein fouet, et son dos se raidit légèrement. Une tente... cette chaleur... Cet endroit... Et des bruits dehors. Beaucoup de gens.
"... Où sommes-nous ?"
... Endroit plein de dangers. Elle l'avait dit. Mais alors pourquoi était-elle ici, épuisée, en train de simplement lui proposer à manger ? Soudain inquiet et nerveux, il se résolut cependant à ne pas bouger, calquant sans s'en rendre compte son attitude sur celle, relativement confiante, de son Aes Sedai. Elle avait au moins raison sur un point, il lui fallait reprendre des forces... Et après une hésitation, il se plia finalement à ses conditions, et prit le poulet qu'elle lui tendait, mordant dans un morceau avec l'impression que ce simple geste lui demandait un effort surhumain.
La culpabilité rongeait Owyn, découvrit sans surprise Mélisande. Et elle le ferait pour longtemps encore. C'était une conséquence du lien. Elle se demanda s'il était possible de modifier le tissage afin que ni le lige, ni l'Aes Sedai ne subissent cette horreur et cette tristesse à la disparition de l'autre. Mais elle n'était pas sûre que cette idée soit une bonne chose. Le lige ne deviendrait alors qu'un simple garde du corps et serait moins prompt à défendre son Aes Sedai de toutes ses forces si sa vie n'était pas en jeu. Elle garda toutefois l'idée dans un coin de sa tête et écouta la complainte du lige.
"Vous en vouloir... Des questions... Je ne sais pas... Elle est morte sans que je puisse l'empêcher... je suis indigne du titre de Gaidin."
Elle leva les yeux au ciel.
-L'honneur d'un lige est quelque chose de bien difficile à comprendre ! Vous vous reprochez de n'avoir pas réussi l'impossible ? Même un lige ne peut pas toujours réussir dans sa tâche. Croyez vous que moi, ou n'importe quelle autre Aes Sedai, n'ai pas failli une ou deux fois ? Bien sûr que si ! Alors faites comme tout le monde, mettez votre orgueil de côté, et recommencez à avancer. Rachetez votre sois-disant échec ! Réalisant sa virulence, Mélisande reprit, plus doucement. Vous êtes digne du titre de gaidin. Vous avez été son frère dans la bataille. Dans une bataille, il y en a qui survivent, d'autres qui meurent. Elle n'aura pas été seule à cet instant fatal, voilà tout ce qui doit comptez pour vous. Et je suis certaine que votre Aes Sedai ne vous en voudrait pas, et plus encore, serait heureuse de vous savoir encore en vie. Le plus bel hommage que vous puissiez lui rendre est de vivre, non de mourir.
Quand à l'endroit où nous sommes, c'est le désert aiel. Je n'ai pas vu beaucoup d'aiels, mais il y a de plusieurs femmes qui canalisent près de nous. Il y a au moins une Aes Sedai, et deux canalisateurs parmi ces gens. Je soupçonne leur chef, qui se fait appeler "M'hael" de se nommer Elessar Sedai. Et je ne serai pas surprise d'apprendre qu'ils sont tous des Amis du Créateur.
Surpris par la véhémence de l'Aes Sedai autant que par ses paroles, Owyn demeura interdit un court moment, quelque peu anesthésié après un tel débordement d'émotions. Puis lentement, il se remit à manger, en partie pour se concentrer sur autre chose, comme de nombreuses réflexions naissaient dans son esprit encore confus. De l'orgueil... Peut-être en était-ce en effet, d'avoir pensé qu'il pourrait toujours la défendre, seul, contre tous les dangers. Mais la culpabilité d'avoir survécu quand elle était morte était la plus forte. Cela aurait dû être l'inverse... Qu'il meure pour qu'elle puisse s'enfuir, et il ne comprenait pas pourquoi il en avait été autrement. Pourtant, il savait que Mélisande avait probablement en grande partie raison. Alea n'aurait pas souhaité qu'il meure... Si elle en avait eu le temps, elle aurait probablement fait tout son possible pour qu'il vive, tout comme il avait tenté en vain de le faire. Quant à vivre pour lui rendre hommage... vivre et se racheter en protégeant Mélisande... Cette idée le dépassait encore un peu. Avalant une bouchée avec difficulté, il secoua la tête avec tristesse :
"Vous avez probablement raison... même s'il me faudra du temps pour l'admettre."
Il y avait de toute manière plus urgent que ses états d'âme pour le moment, ou du moins à ce qu'il semblait. Et s'il écouta d'abord avec un calme relatif les informations qu'elle lui donnait, Mélisande put bientôt sentir un nouveau choc l'ébranler violemment suite à ses paroles. Il pâlit, et sa main eut un geste nerveux, incontrôlé, avant de se crisper avec force.
"Des... des Amis du... ces gens..." La haine prit un instant le pas sur la culpabilité et la tristesse. Ils l'avaient tuée ! "Et Elessar Sedai serait... non ! Je ne peux le croire !"
Il se rappelait fort bien cet Aes Sedai qu'il avait entraîné à de nombreuses reprises, lorsqu'ils étaient à la Tour, lorsqu'il était maître d'armes. Et penser qu'il avait pu entraîner un traître lui nouait l'estomac. Un instant, il essaya de se relever, mais trop faible, il renonça finalement, respirant profondément pour tenter de retrouver en partie son calme. S'ils étaient entourés d'amis du Créateur, une parole maladroite pourrait signer leur arrêt de mort. Il demanda d'une voix blanche :
Aelfinn de la PierreModo - Jury des Joutes - Conseil RPRelecteur
Perplexe, Demiandre suivit l'homme habillé en noir. Il fit un signe de tête à Elessar avant de s'avancer plus loin vers les tentes. Il avait l'impression de ne pas l'avoir vu pendant quelques jours, mais en y réfléchissant, cela ne faisait guère qu'une journée. Il semblait s'être passé beaucoup de chose. Il tenait dans sa main un objet étrange auquel il semblait attacher beaucoup d'importance, une baguette d'un pied de long, totalement lisse, sur laquelle était gravé quelque chose qu'il n'arrivait pas à lire. Sur le chemin, il resta silencieux, suivant son guide qui l'amenait vers le centre du camp.
*M'Hael, Tsorovan'm'hael, Baijin'm'hael... De l'Ancienne Langue certainement, mais qu'est ce que cela veut dire...? Et Asha'mans... ET je me retrouve recruté dans une armée de canalisateurs! Et pire encore, il semblerait que je doive rester ici un certain moment...*
Il continua à réfléchir jusqu'à ce que l'homme le fasse entrer dans une grande tente, remplie d'équipement divers. Derrière un bureau, un homme prit son nom et d'autres renseignements avant de lui faire signe de l'autre côté, où un autre homme s'occupa de lui fournir un manteau noir, une épée et de lui expliquer les règles du camp.
*Comment peut on survivre dans ce manteau noir au milieu du désert sans mourir de chaud? Je n'ai pas vu un seul de ces hommes transpirer... Et donc les trois personnes qui nous ont accueillies sont les commandants de cette armée... Elessar n'est pas seulement membre de l'Ajah Bleue, mais aussi le chef d'un mouvement de résistants! Dans quoi me suis-je encore embarqué?*
Le canalisateur qui l'avait emmené là l'entraîna ensuite vers une tente vide qu'il lui assigna. Il prit ensuite congé en laissant Demiandre seul.
Mélisande eut un petit sourire satisfait lorsqu'elle vit qu'Owyn commençait à l'écouter. Il n'était pas prêt d'accepter la mort de son Aes Sedai, et la culpabilité le rongerait encore longtemps, mais au moins il l'écoutait et la servirai.
Par contre, elle se fustigea mentalement lorsqu'il réagit violemment à l'annonce qu'ils étaient entourés d'amis du créateur. Épuisée mentalement et physiquement, elle en avait presque oublié que c'étaient des amis du créateur qui avaient tué son Aes Sedai.
-Calmez-vous Owyn, lui intima-t-il en lui servant à nouveau à manger. Et écoutez-moi attentivement.
Je ne sais pas pourquoi Tremonsien a été attaquée. Je sais seulement que ma présence n'y était pour rien. Mais d'autres personnes que nous étaient impliquées. Peut-être que le meurtre d'Aléa y est lié. Peut-être était-ce un accident. Réalisez bien que nous avançons en terrain miné, et ne provoquez pas d'esclandre. Laissez-moi parler et demander des comptes, et taisez vous plutôt que d'envenimer la situation. Je voudrais cependant que vous répondiez sincèrement à une question : avant la mort d'Aléa, que pensiez vous de l'Ajah Bleue et des Amis du Créateur ? Ne craignez pas de me dire le fond de votre pensée, elle est en sécurité avec moi.
Quand à votre deuxième question... Nous avons suivi Baer, l'homme que je cherchai, et un de ses compagnons. Nous sommes venus par un portail. Je les ai suivi car vous aviez besoin de soins, et que j'étais curieuse de savoir ce qui se passait. Nous verrons bien ce qui en sortira. Heureusement, nous ne sommes pas sans armes.
Mélisande sortit de son corsage une lettre pliée en quatre, celle d'Alyn, et la montra à Owyn. Saisissant une fois de plus la source, elle en découpa un morceau qu'elle remis dans son corsage, puis réduisit le reste en cendres.
-Je suis désormais seule à pouvoir réciter à cet Elessar un message secret destiné aux Amis du Créateur que j'ai pris à Alyn. Cela nous donne une arme pour négocier notre départ en toute liberté.
Les explications de Mélisande auraient dû l'aider à y voir plus clair, mais il n'en était rien. Chaque nouvelle information venait compliquer la situation et était un nouveau choc. Et bien que ses pensées soient un peu plus cohérentes qu'au moment de son réveil, il peinait à admettre comme la vérité ce qu'elle lui disait. Tout cela ne semblait qu'une succession d'horreurs destinées à raviver la souffrance de la mort d'Alea. Et l'Aes Sedai lui demandait beaucoup, quoiqu'il sût que la façon d'agir qu'elle préconisait était la seule envisageable dans la situation actuelle. Il acquiesça donc d'un signe de tête quand elle évoqua la lettre, et accusa en silence le nouveau choc qu'elle venait de lui infliger. Alors Alyn aussi s'avérait un ami du Créateur... Alyn qui, pourtant, il s'en souvenait à présent, l'avait aidé à Tremonsien alors qu'il aurait pu l'achever. Abasourdi par toutes ces informations, et la gorge nouée, il repoussa momentanément son repas, avant de tenter une réponse, d'une voix étrangement rauque :
"Rassurez-vous, je ne tenterai rien et agirai... selon votre volonté. Vous avez ma confiance pour... tout ceci." La lettre, les amis du Créateur, et le reste... Mais dans l'absolu... il ne savait pas encore. Il croisa néanmoins son regard et se résolut à répondre sincèrement à son autre question : "Quant à ce que je pensais... je ne sais pas vraiment. J'ai toujours été fidèle à la Tour Noire et au Grand Seigneur, parce qu'il devait en être ainsi, mais je n'avais pas non plus de haine. Peut-être m'est-il arrivé de penser qu'ils pouvaient être... nécessaires. Comme tout le monde."
Rares étaient les partisans sincères et dévoués du Grand Seigneur, et la plupart des gens, s'ils n'étaient pas des amis du Créateur et n'auraient pas mis leurs vies en danger pour les aider, ne s'opposaient pas non plus bien farouchement à eux. Il s'était contenté de rester dans cette neutralité. Alea comptait plus pour lui que la Lumière ou les Ténèbres. À cette pensée, son regard se durcit :
"Mais tout est différent à présent. Quoi que j'aie pu penser d'eux avant, je ne m'associerai jamais à des individus qui ont causé sa mort. Pas de mon plein gré."
Il la regarda encore. Et elle, de quel côté se situait-elle ? Elle ne semblait s'associer à l'ajah bleue d'aucune façon, mais sa position n'était pas très claire à ses yeux.
Mélisande hocha la tête, un air compréhensif affiché sur son visage.
Au moins, songeait-elle, il avait répondu sans mentir. C'est donc qu'il avait confiance en elle, au moins un peu. A elle de travailler là dessus désormais.
-Certains pourraient dire que ceux qui ont causé sa mort, ce sont les Élus, le Grand Seigneur et leurs rêves de toujours plus de pouvoir. Une Blanche vous dirait que tout est question de point de vue. La logique... On lui fait dire ce qu'on veut.
Elle secoua la tête, comme pour s'échapper d'une rêverie hors de propos. Un travers commun chez de nombreux membres de l'Ajah Brune.
-Dites-moi Owyn, Aléa et vous veniez m'escortiez jusqu'à la Tour. Savez-vous de qui venait l'ordre de le faire ? De la tête d' Ajah, des Députées, du Trône d'Amyrlin ? J'étais censée passer par Cairhien pour me présenter aux Aes Sedai résidant là-bas. J'ignore s'ils avaient une tâche à me confier et pourquoi on ne m'a pas fait directement rentrer à la Tour. Vos ordres annulaient-ils le mien ?
Et, j'y pense, connaissiez-vous les raisons de mon exil ?
Les interrogations de Mélisande sur la logique et les responsabilités de chacun lui passaient pour l'heure complètement au-dessus, et Owyn se contenta de la regarder fixement, sans rien dire. Il ne se souciait pas de ce qui avait provoqué un tel enchaînement d'événements. Celui qui avait tenu l'arme qui avait tué Aléa était un ami du Créateur, il avait lui-même choisi de se trouver là à cet instant, de l'attaquer, et cela lui suffisait pour définir un coupable. Et il se moquait bien pour l'heure du fait que son raisonnement puisse paraître limité. Les questions de Mélisande, en revanche, lui semblaient plus intéressantes, et s'il aurait aimé en connaître les réponses, il afficha hélas un air abattu :
"Je... je l'ignore Aes Sedai." Il ne savait plus exactement comment l'appeler. "L'ordre a été adressé à Alea uniquement et elle ne m'en a pas vraiment dit plus... Elle était parfois... étourdie. Ce genre de considérations lui paraissait sans intérêt. Cela venait peut-être de l'Ajah Brune puisque vous en êtes... étiez toutes les deux."
Reparler d'Alea, revoir ces moments, ses expressions, s'avéra encore plus douloureux qu'il ne l'avait imaginé. Sa gorge se serra soudain, et détournant la tête rapidement, il porta une main à son front pour dissimuler les larmes s'échappant de ses yeux clos. Il les laissa couler cependant : il ne l'avait pas encore pleurée... et il n'aurait certainement plus d'autres d'occasions pour se permettre de le faire. Il déglutit donc et reprit après un instant :
"... Pardonnez-moi. Je n'en sais pas plus, et j'ignore également tout de vous."
Il lui semblait que cela avait un rapport avec des propos sortant quelque peu de la ligne définie par la propagande de la Tour, mais cela n'en faisait pas forcément une amie du créateur. Si cela avait été vraiment grave, elle ne serait plus là pour en parler.
"Moi de même, Tsorovan M'Hael. On m'a beaucoup parlé de vous. Heureuse de voir que vous vous en êtes sorti malgré les dangers que vous nous relatez." Dit Enora.
"Beaucoup parlé de moi?" Dit-il en haussant les sourcils. Il s’inquiéta un instant, se demandant ce qu'Elessar avait pu lui révéler. Après quelques instants de réflexion, il se dit que ses secrets étaient sauf avec Elessar, quelque soit sa relation avec cette femme. Il reprit ensuite, pour lui répondre
"Les dangers ne furent pas si grands, mais la menace était là. Quoi qu'il en soit, M'Hael, je veillerais à ce qu'ils ne fasse pas de bêtise. Je ne risquerai pas qu'il compromettent nos plans, vous le savez bien. Je vais faire poster des gardes près de la canalisatrice. Je ne suis pas tout à fait rassuré. Elle semble être sincère et honorable, mais je préfère m'en assurer."
Alors qu'ils arrivaient près des premières tentes, Shoran s'approcha de deux Dédiés qui semblaient ne rien faire de particulier, et les assigna à la tente que partageait l'Aes Sedai et son nouveau Lige. Il leur demanda de trouver deux autres personnes, pour être sûr.
"Si elle tente quoi que ce soit de dangereux, mettez la sous écran. Si c'est le Lige qui a un problème, essayez de l'aider. Si vous voyez quelque chose de suspect, prévenez-moi immédiatement."
Il se retourna vers Elessar et Enora qui l'attendaient, et ils reprirent la direction de la tente d'Elessar.
