La Pierre de Tear fait peau neuve ! L'aventure continue sur www.pierredetear.fr !
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Un renard courrait, fuyant un cousin canidé affamé et énervé de s'être fait son repas chipé. Un accident, rien de plus, mais comment expliquer cela à un loup qui a les crocs ? Le renard ne savait pas, alors il faisait la chose qu'il savait le mieux faire, prendre les pattes à son cou.
La poursuite s'arrêta alors que le chemin sortait de la forêt et débouchait sur les alpages d'altitude. Le renard trottina quelques minutes, essayant de reprendre son souffle, alors que le loup regagnait la forêt à la recherche d'une autre proie.
Une ombre apparut alors au sol, se dirigeant vers le rouquin qui n'eut qu'une seul pensée avant de recommencer à courir.
"Non mais ca va pas recommencer !!!"
Avançant en amont, cherchant un abri pour échapper à son poursuivant aérien, le renard remarqua ce qui semblait être des terriers. N'y réfléchissant pas à deux fois, il se jeta dans l'un d'eux, espérant qu'il était vide.
Dommage, il ne l'était pas.
Surprise, l'occupante des lieux se retourna et tapa de la queue contre le sol, regardant l'intrus qui dérangeait ses préparations pour l'hiver. Encore terrorisé par la fuite, le renard tenta de parler :
"B.... b... bonjour. Joli t... temps n'est .c.. ce pas ?
_ T'es qui toi ?!
_ On m'ap... ppelle Re..n... nard. Renard !
_ Moi c'est Marmotte.
_ M... Mo... Momotte.
_ Ouais, si tu veux. Tu fais quoi chez moi ? Attend, calme toi avant de répondre."
Le renard s'effondra au sol, épuisé par les deux poursuites et respira plusieurs fois profondément, avant de répondre plus sereinement.
"C'était un aigle qui m'a pourchassé : il était énorme, il faisait quatre mètres, cinq mètres d'envergure, et avec des yeux assoiffés de sang. Du mien.
_ Je vois qui : il est pas agréable, c'est certain.
_ J'ai essayé de lutter. Je me suis dressé sur mes pattes arrières, la gueule ouverte, babines retroussées, comme pour dire 'Approche et je vais bouffer tes plumes!' .
_ Wow, et ensuite ?
_ Il a continué à approcher .
_ Et alors ?
_ Alors j'ai couru, couru, et voulu me cacher ici. Je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un, désolé.
_ Six terriers inoccupés autour et il a fallu que tu viennes dans le mien : le bol... Bon, t'as l'air un peu à plat, alors je vais te laisser souffler un peu.
_ Merci.
_ Quoique ...T'es un renard, c'est ca ? Ca mange quoi, un renard ?
_ Oh, je suis omnivore : lapins, œufs, petits rongeurs, marmottes...
_ Hum !
_ ...des bois ! C'est le nom d'un champignon, sisi!
_ Ah. Mon grand-père en avait parlé, mais je ne savais pas que ca existait vraiment.
_ Moi non plus...
_ Tu dis ?!
_ Qu'on en trouve plus! En cette saison.
_ Bon, je te laisse dormir ici cette fois, mais dés réveillé, tu repars chez toi, ok ? Et attention monsieur l'omnivore, moi je ne dors que d'un œil, alors pas d'entourloupe."
Ainsi la marmotte et le renard s'endormirent ils ensemble. La nuit fut agréable : il faut dire que les renards font de très douillets oreillers pour qui a la chance de tester.
Le lendemain, renard et marmotte se séparèrent : l'un pour regagner son terrier forestier, l'autre pour se préparer à l'hiver. Bien que contente de se retrouver seule, la marmotte se dit en elle-même que le renard n'avait pas été un mauvais bougre.
_______
Plus tard dans l'après-midi...
"Euh ... madame la marmotte ?
_ Quoi ? Ah, encore toi ? Qu'est ce que tu fais là ?
_ Je pourrais pas dormir ici ce soir ? S'il vous plait...
_ Et ton terrier à toi, alors ??
_ Un blaireau me l'a volé quand je suis parti hier.
_ Et alors ? Tu ne peux le faire sortir à coups de crocs? Les machins que tu as dans la gueule, c'est pour décorer ?
_ Mais il a des grosses griffes...
_ Et ?
_ ... il sent très fort.
_ Pas possible ... J'abandonne : tu peux rester, mais pas dans mon terrier à moi.
_ Où alors ?
_ Dans l'un des autres terriers : ils sont vides, je suis la seule dans le coin.
_ Pas de blaireaux ?
_ Personne : la colonie est partie, moi je suis restée. J'aime la vue ici. Bon, installe toi, moi je vais me chercher à manger.
_ Ça mange quoi une marmotte ?
_ Les renard poltrons, entre autre.
_ Eeek !
_ Je plaisante, patte-noire. Je mange uniquement des végétaux : racines, bourgeons ... Bon, tu m'excuses, mais j'ai la dent, et j'ai pas fini de faire mes réserves.
_ Réserves pour quoi ?
_ De graisse, pour l'hibernation. Oui je sais, c'est pas le top pour ma silhouette, mais pas le choix si je veux dormir peinarde tout l'hiver.
_ Bizarre .
_ Ca n'hiberne pas, les renards ?
_ Non, on doit chasser chaque jour.
_ Dommage pour vous. Bon, je vais brouter un peu."
L'installation du renard dans le terrier à coté de chez elle ne fût finalement pas une si terrible épreuve pour la marmotte. D'accord, il s'avéra que le canidé ronflait si fort qu'elle l'entendait jusque dans son trou, bien que la première nuit de cohabitation avait été parfaitement calme. Dame marmotte dû doubler l'isolation herbeuse de son refuge les deux premières nuits pour pouvoir fermer l'œil. Toutefois, le rouquin n'avait pas que des inconvénients.
Déjà il se nourrissait des rongeurs aux alentours : mulots et souris qu'on retrouvait partout, le rouquin les boulottait. Ça le nourrissait lui et la laissait en paix, elle.
Ensuite, il dissuadait les prédateurs. Elle l'avait prise pour un bon à rien, mais le goupil semblait avoir pris sur lui de défendre sa logeuse. D'accord, la plupart du temps ca se terminait par un renard qui fuyait la queue entre les pattes, mais c'était l'intention qui comptait. Et puis, quelques fois, il repoussait vraiment l'intrus.
Enfin, hé bien ca faisait une compagnie. La marmotte avait beau se penser une solitaire endurcie, la présence d'un autre animal, un qui ne cherchait pas à vous montrer qu'il était au dessus de vous dans la chaine alimentaire, lui était finalement agréable. Le rouquin était de plaisante compagnie, et quand elle ne travaillait pas à son terrier ou à se nourrir, il arrivait à la dame marmotte de somnoler paisiblement allongée sur le dos du goupil. Il leur arrivait aussi à tout deux regarder le ciel le soir, et de discuter : le renard était persuadé qu'il existait un comme lui, un grand renard dans les étoiles. La dame pensait alors généralement que son voisin avait forcé sur les champignons, mais se demandait aussi parfois s'il n'existait pas une constellation de la marmotte quelque part.
Il vint un jour où la marmotte eut une silhouette assez rebondie à son goût, et qu'elle s'apprêta à l'hibernation. Elle fit alors quelques recommandations à son roux voisin.
"Je vais hiberner : à dans quelques mois.
_ Tu vas faire quoi ?
_ Hi . ber . ner . Ca veut dire que je vais passer l'hiver à dormir : je vais boucher l'entrée de mon terrier avec de l'herbe pour empêcher le froid, et toi, de rentrer.
_ Sans rien avaler ?
_ Pourquoi crois tu que j'ai mangé autant ces derniers mois ?
_ Euh...
_ Attention à ce que tu vas dire, j'ai des griffes comme les blaireaux.
_ Non, je ne pensais pas que c'était une envie incontrôlable de femelle, nonnonnonnon.
_ Hum !
_ Euh, tu reviendras quand de ton ... hibernation ?
_ En général, dés que la neige commence à fondre et que le printemps commence. Et là je me rue dehors pour manger parce qu'après tout ce temps, j'ai VRAIMENT faim.
_ D'accord.
_ Bon, d'ailleurs, je file dans le terrier, car je sens que ca ne va pas tarder à tomber.
_ Tomber quoi ?
_ La neige, patte-noire. Bon, à dans quelques mois, et essaye de ne pas te faire botter la queue entre temps"
Effectivement, la neige tomba avant la fin de la journée, et le renard se retrouva avec le museau tout blanc avant qu'il ne le réalise. Pour quelqu'un qui avait vécu en forêt toute sa vie, l'alpage enneigé était une toute autre aventure, surtout lorsqu'on est roux sur la poudreuse blanche.
Renard survécut toutefois, et attendit patiemment la fin de l'hiver.
Un beau jour la neige commença à fondre et le printemps annonça sa venue : non au son du carillon, mais à l'explosion des bourgeons. Fidèle à sa prédiction, la marmotte se réveilla et se rua dehors. Fidèle à son amitié, le renard l'attendait :
"Ah, bonjour dame marmotte.
_ Bonjour renard. Urgh...
_ Bien dormi, on dirait?
_ Après plusieurs mois ... Réveil difficile, besoin de caler la dent creuse.
_ Mais vous ne me demandez pas comment j'ai vécu ce temps?
_ Gnn... Bon, comment ca a été ?
_ Oh, fort bien Un lynx m'a courru après mais j'ai réussi à me cacher.
_ Youpi. Bon, brouter...
_ Et j'ai réussi à trouver pas mal de souris qui courraient sous la neige : elles font du bruit si on écoute bien, alors on peut les trouver.
_ Hum, ca sent le bourgeon qui éclot...
_ Et même que ces jours ci, des humains sont sortis de grosses boites, et ont posé des plus petites boites pas loin. Comme je suis brave, je me suis approché, ils n'ont pas bougé, impressionnés par mon air féroce.
_ Non, ca sent autre chose...
_ Ils m'ont regardé un moment mais ils avaient l'air de regarder autre chose, alors je me suis éclipsé.
_ Ca vient de ton terrier, patte-noire.
_ J'ai sentis un truc dans une de leurs grosses boites, et comme elle était ouverte, j'ai tiré discrètement la chose jusque chez moi. Enfin chez vous mais chez moi.
_ Le blaireau de ton autre terrier, au fait ?
_ A une famille maintenant : sa femelle est pire que lui.
_ En fureur ?
_ Et en odeur.
_ Bon, tu as volé un truc aux humains et ensuite?
_ Ben je me suis dit que ca devrait vous intéresser."
Le renard partit rejoindre son terrier et tira derrière lui un sac visiblement chargé. Les marmottes n'ont pas le visage le plus expressif du règne animal, mais un expert aurait pû distinguer sur celui de la présente compagnie un sourire d'extase en voyant et sentant le contenu du dit sac.
"Carottes !!!"
Alors la marmotte se dressa aussi droite que possible, pris le museau du renard entre ses pattes et colla doucement sa truffe contre celle du canidé. Puis elle se rua sur les bâtonnets oranges sous le regard encore un peu hagard du rouquin. Autour d'eux la neige continuait de fondre et la nature mettait sa verte parure : un nouveau cycle de la vie recommençait.