La Pierre de Tear fait peau neuve ! L'aventure continue sur www.pierredetear.fr !
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C'est le début d'un texte que je suis en train d'écrire.
Un pas. Puis un autre. Je mets difficilement mon pied devant l’autre pour avancer, puis recommence ce dur exercice. J’avance le long d’une large rue de marbre vers mon supplice.
Quel supplice ? Je ne sais pas, je ne sais plus… Tout me semble si flou…
Je marche au centre d’une rue dans une espèce de brouillard. Est-ce la drogue qu’on m’a fait inhaler de force ou bien les larmes qui forment cette brume ? Je ne saurais dire. Les deux sans doute.
Je tente de ralentir, de m’arrêter, mais mes deux gardiennes me poussent et me forcent à continuer à avancer. L’une d’elle, celle de gauche, se met à chantonner. Je reconnais l’air. Combien de fois ne l’ais-je pas utilisé moi-même pour domestiquer un animal –doux t’veran ou maravin sauvage et sanguinaire- ou pour tuer une proie lors d’une chasse ? Mais aujourd’hui c’est moi la proie. Je dois résister, fuir… Lutter au moins contre…
Le lambeau de souvenir s’effiloche tandis que l’autre gardienne me fait respirer les senteurs de son encensoir. Je perds à nouveau le contrôle de mes pensées.
Je sens ma jambe qui se plie sous l’impulsion du chant. Une part de mon esprit hurle de rage et de douleur tandis que mon corps avance. Nul moyen de lutter, cela je le sais. Mais comment le sais-je ? D’où me vient cette certitude que le chant seul ne pourrait me maîtriser car je le maîtrise et que le ‘parfum’ qui s’insinue dans mes narines rend docile et -on pourrait dire animal- tous ceux qui le respirent ? Comment le sais-je ? Tout est si flou…
Je tente de fixer mon attention sur un objet qui bouge devant moi. Oiseau ? Drapeau ? Je ne sais. Le monde autour de moi n’est que tâches de couleurs. Blanches, les gardiennes qui me poussent. Noirs, leurs compagnons de lien. Bigarrée, la foule autour de nous. Rouge, le palais devant. J’ai l’impression de marcher dans une aquarelle à demi-effacée par la pluie, où seuls quelques détails demeureraient encore intacts. Un singe d’épaule m’apparaît avec une netteté exacerbée sur une femme qui se limite à mes sens occultés à une tache de rouge sombre et de bleu. Le temps d’un soupir, je distingue le moindre détail d’un drapeau bleu aux mains d’or et d’argent s’effleurant. Puis plus aucun détail même infime ne se détache de ces couleurs étalées comme sur la palette d’un peintre.
Je dois reprendre conscience peu à peu car je me mets peu à peu à analyser la situation. A part le chant, rien ne parviens à mes oreilles. S’il ralentit, s’il se tait un instant, seul le silence résonne dans ma tête. Lourd. Sinistre. Menaçant. Le cortège qui me précède et me suis s’arrête comme pour un recueillement.
Je tente de faire réagir mon corps. Mais plus rien en moi ne répond aux ordres que j’envoie. Ma main refuse de s’abaisser et continue à tenir le calice d’argent entre mes seins. Mon pied refuse d’avancer. Ma bouche refuse de s’ouvrir pour laisser échapper un cri de peur et de désespoir. Plus rien ne m’obéit.
Quelle étonnante sensation d’être une étrangère dans son propre corps ! Je me fais l’effet d’une âme esseulée hantant le corps d’albâtre d’une statue. Est ce là mon destin ? Demeurer à tout jamais une poupée de porcelaine conservée dans un cagibi ou exposée dans une salle de musée ? Pitié, laissez moi retrouver le contrôle de mon corps !
Je me souviens. J’ai vu une fois un esclave soumis à cette drogue. Il était ainsi à ne pouvoir faire que ce qu’on lui ordonnait et restant immobile le reste du temps. Il marchait si on lui ordonnait d’avancer, mangeais uniquement si on lui en donnait l’ordre, ne dormais pas si on ne lui ordonnait pas d’en faire ainsi. Pas ça. Pas ça par pitié.
Une larme coule le long de ma joue. Je tente de lever la main pour l’essuyer mais elle reste collée à mon corps. Mais au moins je puis pleurer. Que je puisse encore pleurer me semble un progrès merveilleux. Si peu, mais tant à la fois. Mes pensées et mes larmes. Tout ce qui me reste.
Tout ceci n’est-il qu’un jeu cruel et infâme ?
Magnifique texte, on en pleurai presque...et au niveau des impressions très fort également, car on arrive à voir ce qu'elle voit tout en étant hors d'elle, comme si on étant un étranger en elle qui voit par ses yeux.
mais tout de même dégouté à l'idée que Mélisande en a eu l'idée à 2 heure du matin et la mis au propre à 10 heure du soir... grrrrr
Merci pour commentaires, cela me fait très plaisir Voici la deuxième partie, en attendant la troisième sur laquelle je bloque
Doucement, ma gardienne se met à fredonner quelques notes de son chant. Celui-ci m’entoure et m’entraîne à nouveau. Un pas. Puis un autre. Et un autre encore. Chant doux pour qui n’a guère l’oreille musicale, mais strident et impérieux, quoique doté d’une certaine beauté, pour le musicien qui l’entendrait. Chant maléfique pour moi.
Je marche dans la brume, coupée du reste du monde. Plus d’odorat, plus d'ouïe, plus de toucher, une vue brouillée… Je me mors la lèvre du plus fort que je peux et savoure la goutte de sang qui perle. J’ai gardé le goût. Tout ceci me rappelle quelque chose. Quoi ? Ma mémoire me semble fracassée en milles morceaux, tous trop petits pour qu’on en tire quelque chose.
Le cortège a atteint les marches monumentales du palais. Non ! Je ne dois pas y monter ! La part de moi encore consciente de ce qui se passe tente désespérément de se faire entendre. Elle crie et pleure de peur et d’horreur. Mais le chant reprend, s’élevant d’une octave et je dois y obéir. Je monte les marches telle un agneau qu’on n’emmènerait à l’abattoir. Suis-je la victime d’un sacrifice à quelque dieu ? Je dois refuser, je dois refuser.
Soudain j’arrive à stopper mon avancée. Je me fige sur les marches pourpres et tente de reculer. Mais le chant se renforce encore et d’autres voix s’y joignent. Je ne peux plus lutter.
Une marche. Une autre. Encore une et la dernière après. Me voilà sur le parvis de ce palais. Dans mon brouillard, je distingue une forme dorée qui se distingue de la tâche rouge sang qui forme le palais. Une porte ? Sans doute. Porte monumentale pour un palais à l’avenant. Porte qui se refermera sur moi tout à l’heure.
Assommée et par la drogue et par le chant, je m’incline devant un homme aux traits indistincts, tout de rouge vêtu. A bien y réfléchir, et s’y j’en crois mes sens abîmés, seul lui et moi portons cette couleur ici.
Cela a une signification particulière je le sais. Tout comme le blanc de mes gardiennes, le noir des hommes qui les accompagnent, le vert des gens tout autour de nous.
Devant moi, un autel sous un dais. Rouges, eux aussi. Je m’agenouille sous la force du chant sur un tapis du même rouge. Je me sens mal entourée de toutes ces nuances de sang. Il me ronge et m’étouffe. J’en ai peur. Peur d’une couleur ! Peut-on être plus bête ?
Mais je sens, je sais que ce n’est pas pour rien que ce rouge m’effraie ainsi. Il fait partie de ce rituel ou de cette cérémonie qui s’organise devant moi. Il est parti intégrante du drame qui se joue là. Tout commence dans le rouge, et je sens que cette couleur m’environnera quand tout se finira.
L’homme avance sa main tenant un couteau taillé dans ce qui ressemble à du diamant et transperce ma peau à mon poignet. Il en remplit une petite coupe et y trempe ses lèvres.
Le sang et le sang liés à jamais comme un seul sang. Un seul sang, une seule âme, sang et âme dans l’éternité des astres.
Je n’entends pas l’officiant prononcer ces paroles mais n’ai pas besoin de lire sur ses lèvres pour connaître son discours. Je connais ces mots et le glas résonne en moi. Trop tard. Trop tard pour vivre, aimer, souffrir. Trop tard pour me rebeller, pour me battre, pour mourir. Mourir ? Le puis-je seulement, statue figée par l’effroi et le chant ?
Oh dites-moi que je peux me tuer !
Ma main se dresse à l’appel insistant du chant. Lentement mais sûrement et inéluctablement. Ma main se dresse et elle entaille la main de l’homme.
Le sang et le sang liés à jamais comme un seul sang. Un seul sang, une seule âme, sang et âme dans l’éternité des astres. Et l’un triomphe et l’autre perd, sang contre sang.
C’est fini. Il n’y a plus rien à faire que se lamenter et pleurer. Je suis enchaînée à cet homme que je ne connais pas mais que je hais déjà. Comment ? Je l’ai su. Brouillards de ma mémoire, dissipez vous je vous en supplie. Que je sache enfin ce que je suis et ce que je crains.
Je hurle dans mon silence. Que puis-je faire d’autre ? Un sourire apparaît dans le flou qui m’entoure. Tache fine de clarté dans le rouge moite et oppressant. Vainqueur. Conquérant. Sûr de lui. Détestable.
Mon époux. Et tellement plus.
On m’a lié à toi, mon mari et mon bourreau, d’une façon que je ne puis comprendre. Je te ressens dans toutes mes veines, dans tous les pores de ma peau. Tu est là, telle une ombre malveillante autour de mon esprit. Je sens que lorsque la drogue se dissipera, tu pourras encore me dominer comme elle.
Oh mourir ! Tout mais pas ça. Tout mais pas cette vie d’esclave assujettie au maître qui la possède. Je sais maintenant que c’est cela que je tentais désespérément de fuir sans le savoir. Cela seulement. Je ne veux pas.
La soirée passe et j’accomplis les ordres que l'on me dicte dans un coin de mon cerveau, j'accomplis les actions qu'on m'ordonne par la voix du chant. JE suis une marionnette dont l'on se dispute les ficelles.
Je salue ceux qui passent devant moi, mes lèvres bougent, prononçant des paroles qui ne viennent pas de mon âme et de mon cœur. Je me lève et suis les pas de la danse, puis accomplis les neufs tours de la statue de marbre veinée de rouge qui trône au milieu de la salle. Je marche sur un sol rouge. Je serre une main rouge. Je contourne uns silhouette rouge. Les murs sont rouges et rouge est le plafond. Je veux hurler et ne peux pas. Tout ce rouge n’est qu'imagination de mon esprit. Je me sens glisser vers l’inconscience.
Rouge.
Pourvoyeuse-de-Vent Nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert
Voilà un début qui donne envie de savoir la suite ! Ton style est direct et fait très bien ressortir les émotions, les sensations. On se croirait vraiment dans le corps de la narratrice et on peut facilement imaginer la scène (comme le dit Kellen). Bref, j'adore ! A quand la troisième partie ?
Mais ça fait plus de six mois que j'ai abandonné ce texte alors je suis en train de le réecrire manuellement pour me replonger dedans avant de continuer. La troisième partie est dans ma tête mais peinait à sortir. Cette réecriture devrait aider.