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Origine d'un mal.
(Sujet créé par Kellen l 03/10/07 à 11:36)
non favori


Il est des matins où l’humeur est sombre et voilée de défi. Le temps n’est pas à incriminer, je suis ainsi, tantôt enjouée et rayonnante, tantôt coléreuse et rebelle. Je me laisse guider par mes instincts, mes pensées s’enchevêtrent telles des ronces en moi, griffant mes envies et rongeant ma patience. Et ce matin, je suis ainsi, aussi sombre que la nuit.

Je tourne en rond dans le salon, effleurant les cadeaux de mariage que je viens de recevoir. Il y en a une multitude, certains petits et enrubannés, d’autres massifs et emballés.
La cérémonie vient d’avoir lieu, au petit matin, elle s’est déroulée, je suis désormais mariée. Les invités se tiennent dans le jardin, affichant sourires complices et suffisants. La fête, je l’entends d’ici, alors que je me suis isolée pour profiter un peu de ce que je viens de décider. Ils sont trop bruyants, trop enthousiastes pour moi, et puis avouons le, j’aime me faire désirer. M’être absentée ne leur fera que mieux me rappeler à eux. Ils m’appelleront et me chercheront, avides d’entendre mes émotions, curieux d’écouter mes vœux.

A vrai dire, ils le savent presque tous déjà. De mon côté, il n’y a que ma famille qui se trouve là. Des amis, je n’en ai pas.

Mon mari, lui, se pavane, fier, parmi les invités, se gaussant d’avoir épousé la plus belle étoile du soir qui soit. Quel drôle de nom a-t-il trouvé là pour moi, moi qu’on dit parée de tous les dons. Il est roi, on le dit même roi des hommes, mais en fait il n’est rien, du moins, n’est-il désormais plus rien.

Ses amis et parents sont aussi présents, son premier frère m’exècre, m’affublant de tous les surnoms horribles qu’il peut trouver, discrètement. Il a assez d’honneur et de dignité pour ne pas ébruiter ce qui ne se dit pas. Pourtant il est puissant mais il a subit revers sur revers à force de s’opposer à ma famille. Sa punition fut des plus violente et longtemps les esprits s’en rappelleront, aussi marmonnent-ils à mon intention les plus mauvais augures qui soient, il s’est même opposé à notre union. On le dit prévoyant, je le trouve fou. Ses autres frères se font discrets, c’est à peine si je connais leurs noms, tant ils s’effacent et demeurent muets à mon égard. Ses amis, leurs regards se font tour à tour admiratifs et haineux. Un mélange étonnant, à la saveur amère d’une orange pourrie que l’on garde en souvenir de son parfum mais qui ne compte vraiment pour rien. Ils sont là, mais c’est comme si ils étaient absents. Je ne les considère même pas, ils n’en valent pas la peine. Peut être irai je vers eux pour quelques phrases d’hospitalité comme le veut la tradition, les charmant de mes talents, les glaçant d’un frisson. Je sais me faire adorable et envoûtante, c’est là l’un de mes dons dont je me sais parée. Ils oublieront alors ce qu’ils penseront de moi et cesseront de chuchoter sur ce mariage qui jamais n’aurait du être célébré. Oui, ils chuchotent, dans leur coin, quand ils croient qu’on ne s’en apercevra pas. Ils acceptent tous ce mariage car ma famille est puissante, respectée, vénérée même, mais ils s’en effraient. Ils ne comprennent pas, réunis autour de milles torches qui réchauffent l’ambiance, ils s’interrogent…

Moi, je sais, du moins ai-je deviné que mon mariage n’est qu’un subterfuge de ma famille pour se venger. De quoi, je l’ignore. Mes souvenirs sont trop vagues, quand je crois les attraper avec fermeté, ils se défilent avec légèreté comme une brume qu’on aspire et qu’on désire enchanter.

De mon enfance, j’avoue avoir presque tout oublié. Je me rappelle surtout des derniers jours, comme si un voile avait été levé et que le reste demeurait dissimulé sous un dais.
Mes oncles et tantes se sont occupés de moi. Je sais qu’ils ont toujours été présents, qu’ils me comprennent et me ressemblent. Pourtant, je n’arrive pas à voir au-delà de ces quelques jours qui se sont écoulés.

Ma Tante Ap’ m’a appris à rendre mon image envoûtante, elle m’a appris le maintient et l’élégance, le gout et l’art de séduire. De cela, j’en suis certaine. Elle m’a aussi montré ce que toute femme se doit d’enflammer : le désir, l’envie. Je sais embraser les sens mieux que personne, mon corps est parfait, mes formes ne sont que souplesse et douceur. Je sais jouer de ce qui m’a été offert, j’aime en abuser.
Mon autre tante At’ m’a enseigné la philosophie, la sagesse, l’art de bien parler et de discourir avec talent et emphase. Elle m’a inculqué ce qui ce doit d’être connu par une Dame digne de ce nom, les vertus me sont fidèles, je les protège. Ainsi, en plus d’être belle, je suis d’une conversation agréable et piquante, l’intelligence me couronne de charmes plus encore.

J’aime mes tantes pour cela, elles ont tant fait pour moi. Je sais qu’elles seront toujours là.

De mes oncles, j’ai reçut une éducation plus que prometteuse.
Mon oncle Ap’ m’a transmis le pouvoir d’enchanter la musique et de faire danser les muses. Je compose, chante, joue de diverses instruments dont mon préféré demeure la lyre. Les cordes sonnent de façon si douce à mon oreille, c’est une poésie suave et délicate que j’aime composer. Mon oncle Ap’ est un artiste, il a su faire apparaître en moi cette fibre qui vibre plus qu’elle ne consume l’âme.

Mon oncle H est celui qui de tous a le plus d’originalité. Il m’a transmis le talent de tromper et d’inventer. Il a forgé en moi ce côté piquant d’insolence et d’effronterie qui font de ma personnalité une rose couverte d’épines. Il m’a inculqué comment savoir ce qui était caché, comment dissimuler ce qui le devait, comment persuader et faire avouer. Mon oncle H est un fin diplomate, un messager hors paire, il est très doué. Je l’admire pour cela.

J’aime mes oncles pour ce qu’ils ont fait pour moi. Je sais qu’ils seront toujours là.

Quand à mes parents, je n’ai conservé que mon père. Du moins est ce ainsi qu’il m’a ordonné de l’appeler. Mes oncles et tantes ne s’opposent à rien, ils acquiescent, songeurs. Je l’accepte comme mon père, sachant pertinemment que de toutes façons, je ne suis pas née d’une de ses unions sans nombre. Je sais qu’il me cache quelque chose, que je ne suis pour lui qu’un outil, mais j’obéis. J’ignore qui est ma mère et je crois que je l’ignorerai toujours. En ai-je une d’ailleurs ?

Voici donc une partie de ma famille. Je vous ferai rencontrer mes lointaines cousines. Celles-ci sont aussi folles et étranges que le vent. Elles m’offrent sans cesse colliers et bijoux, je croule sous les parures précieuses, les parfums rares et les étoffes soyeuses. Elles ne cessent de rire et de compter quand elles sont près de moi, élégantes et douces, je les laisse faire, elles sont de ma famille et savent ce qui compte pour moi.

Voilà donc ma famille, puissante et vénérée. J’ignore depuis combien de temps nous nous sommes installés ici. Certains disent que depuis la nuit des temps nous sommes là. J’avoue que l’on pourrait être tenté d’y croire, temps un sentiment d’intemporalité s’exerce sur soi quand on pénètre dans notre demeure. C’est étrange, parfois absurde mais on s’y fait.
Chaque jour, des offrandes sont ramassées sur notre seuil, des présents jonchent nos jardins et décorent nos portes. J’aime regarder ces gens les apporter, ils semblent si désireux de voir exaucer leurs vœux. Pourtant, ils ne sont pas malheureux, ces gens qui viennent nous couvrir de présents. Ils sont calmes, apaisés, tranquilles, quoique parfois fébriles et incertains. Mais ils ne semblent pas souffrir. Ils sont là, présents et vénèrent mes parents.

De moi, ils ne connaissent rien, ou si peu car je suis unique. C’est peut être pour cela que je les effraie et qu’ils me craignent. A peine présentée à mon mari qu’il voulait déjà m’épouser. Le mariage s’est préparé en quelques semaines, et personne ne me connaissait.

Et voilà que maintenant, je suis reine, épouse d’un roi, aux ancêtres illustres mais vaincus…
L’aimer, j’avoue que je ne sais pas. On m’a appris à être aimée, à faire désirer, j’ignore si je pourrai un jour véritablement l’apprécier. Lui par contre est fou, fou de moi, mes charmes l’ont ensorcelé plus sûrement que des chaînes forgés par mon autre oncle He. J’avoue que je suis déjà enceinte, j’ai appris cela ce matin. Cela sera une fille, je le sais, je ne peux me le cacher.

Et voilà qu’ils me réclament de nouveau. Je dois les rejoindre, ils m’appellent. Je me recoiffe d’un geste, observe mon reflet dans le miroir d’argent et sourit, satisfaite de ce que j’y vois.
Alors que je me dirige vers la porte pour apparaître au grand jour, une clef attire mon attention. Ainsi qu’un coffre, banal mais qui me tente étonnamment. Je me dirige vers lui, et le caresse doucement. Ce n’est rien de plus qu’un coffret, peut être une urne. Mais j’avoue que je n’y prête pas attention, ce qui m’intéresse c’est ce qu’il contient…

"- Je ne te conseille pas de l’ouvrir…"

Je me retourne alors, figée par cette voix que je ne connais que trop bien. Elle émane de celui que je nomme père, il arbore en cet instant un visage sombre quoique un peu moqueur.

"- Mais, c’est un de mes cadeaux de mariage. Il m’est destiné, j’en fais ce que je veux, père. "

Son père, un homme d’âge mur, au charisme impressionnant. Il est la loi faite hommes, l’obéissance envers lui est un devoir obligatoire.

"- Ce n’est qu’un conseil, mes paroles ne sont que conseils pour toi, mon enfant, maintenant reine des hommes… "

Il s’éclipse alors furtivement, le sourire aux lèvres.

Je hausse les épaules, faisant fi de ce conseil que je trouve malavisé. Je suis reine maintenant, je fais ce qu’il me plait et j’ouvre le coffret.




Je me nomme Pandore et mon mari est Epiméthée, frère de Prométhée, celui qui a volé le feu aux dieux et qui a payé.

Maintenant je sais et je comprends. Je n’étais qu’un subterfuge pour mon père. Il s’est vengé. Les hommes souffriront de tous les maux mais j’ai conservé ce qui peut être les sauvera tous. Ils ne souffriront que des maux, pas de l’attente de ceux-ci, car celui-ci en est le pire, je leur ai au moins épargné ceci. Ils deviendront forts, je leur aie offert l’opportunité de s’améliorer dans l’épreuve et l’adversité. Je suis la première femme, celle parée de tous les dons. Pandore est mon nom.



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Kellen
30/09/2007 18:58
Ferme les paupières, rejoins la nuit.

J'ai écrit cette histoire d'un trait hier soir.
J'avoue que j'hésite entre la laisser ainsi, ou la réécrire de façon plus moderne en intégrant le personnage dans notre temps pour ensuite surprendre à la fin par son destin.

Qu'en pensez vous ?
Mélisande
30/09/2007 20:43
Modératrice
Aes Sedai épluche-légume

Moi je l'aime comme cela

C'est bien écrit et on ne devine pas tout de suite de quoi il s'agit, je ne penses pas que tu doive changer la forme
Aelghir
03/10/2007 11:36
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

Très beau texte. On se laisse prendre à sa poésie.
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