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~ Un Rêve Elfique ~
(Sujet créé par Phèdre l 29/09/07 à 02:24)
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Voici un texte merveilleux que je voulais vous faire partager.

L'auteur désire rester inconnu.



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Phèdre
29/09/2007 02:24
Novice
Maintenant Multi d'Emin (à compter du 4 novembre de l'an de grâce 2007)

UN REVE ELFIQUE


«Vous êtes sauvé» me fit le capitaine Le Troadec, dans son uniforme militaire impeccable.

Je venais de reprendre connaissance dans une petite cabine peinte en gris d’un navire de la Marine Nationale, qui oscillait à peine malgré la fureur de l’océan.

Oui, j’étais sain et sauf. Mais si malheureux, que j’aurais préféré de fort loin être mort!





Et tout cela à cause d’une étrange rencontre survenue quelques mois plus tôt.



C’est jeune enfant que j’avais lu «Le Seigneur des Anneaux», et il faut bien dire que ce beau roman n’avait jamais cessé de m’émouvoir et de m’émerveiller. Le monde de Tolkien me paraissait très convainquant, mais en plus curieusement familier. En particulier je me sentais vivement attiré par le monde des Elfes, un monde de beauté et de poésie, qui éveillait en moi une curieuse nostalgie, comme d’un paradis perdu. Déjà enfant, je rêvais d’être un Elfe de la Lothlorien, et de partir sur un des navires de Cirdan vers les îles enchantées de l’Ouest. Le temps n’avait pas diminué ce sentiment, bien au contraire l’adolescence avait ajouté la chaleur charnelle d’une histoire d’amour à l’émoi nostalgique du souvenir d’enfant. Cela ne m’empêchait pas de vivre ma vie et d’entamer des études d’informatique à la faculté de Rennes, mais j’étais souvent perdu dans mes rêveries Elfiques. Je ne me reconnaissais guère dans mes camarades fanas de jeux vidéo sanglants ou d’affreuses musiques à la mode. En mon for intérieur, je les appelais «les Orques».



Or la sortie du film «La Communauté de l’Anneau» devait donner une force nouvelle à cette curieuse attirance. Je relisais Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit, et pour la première fois j’étudiais les longs appendices historiques du grand roman. Je fus fasciné comme si je découvrais un monde à la fois inconnu et curieusement proche. Comprenant qu’il existait d’autres livres, je recherchais «Les Contes Perdus» et «Le Silmarilion» que je dus commander spécialement en librairie.

Pressé d’en savoir encore plus, je me sentis rapidement frustré qu’il n’y ait pas davantage de littérature sur cet univers incroyablement vaste, magique et si réaliste à la fois. Notamment j’aurais aimé connaître la suite, du Quatrième Age jusqu’à nos jours, puisque la Terre du Milieu n’est autre que l’Europe, il n’y a pas si longtemps.

Il m’arrivait souvent de visiter les côtes de ma Bretagne natale, comme à Camaret, oú les roches noires du Tas de Pois, luisantes de pluie, défiaient les assauts furieux de l’océan. A peine plus loin, les menhirs de Lagatjar semblaient des réminiscences de quelque passé mystérieux. Dans un repli de roches hors de vue de la ville des Hommes, le monde du Silmarilion devenait soudain très réel, et sa magie s’éveillait. Ainsi apparurent les falaises de Béleriand aux yeux de Tuor, et même le son des cornes de brume résonnait comme les trompes d’Ulmo à ses oreilles.

Rocs, embruns et océan comme seuls témoins, je me sentais comme un des héros de Tolkien, comme Eärendil le navigateur, ou mieux, comme un Elfe. Oui, c’est ça, un Elfe. Pourquoi pas. D’ailleurs j’avais quelque chose d’elfique dans mon apparence: grand, mince, blond, presque sans barbe. Souvent les filles de mon âge me regardaient, et le miroir me renvoyait l’image d’un visage ovale régulier, aux traits fins et aux yeux d’un beau gris bleuté. Je me serais bien vu avec les cheveux longs, mais cela m’aurait sûrement attiré les moqueries de mes camarades. Tout ce que j’entreprenais me réussissait, j’avais eu mon baccalauréat avec une mention bien, et j’obtenais de très bonnes notes en informatique. Les cours me paraissaient faciles et souvent je n’avais même pas besoin de les réviser. Toutefois la programmation informatique me semblait un monde froid et abstrait, et je préférais de fort loin les activités manuelles. Ainsi j’avais adhéré à un club de poterie, je peignais, et je faisais du tir à l’arc. J’étonnais mes partenaires du club par la précision spontanée de mon tir, et, quand je tendais mon arc vers la cible, il ne me fallait pas beaucoup d’imagination pour me sentir comme Legolas sur son flet dans la forêt de la Lorien.



Internet fut le témoin naturel de cet engouement pour Tolkien. Ce fut une floraison de sites de discussion en ligne, les fameux «chats».

Grâce au PC que mes parents m’avaient offert pour mes études, je me retrouvais vite à suivre de longs fils de discussion oú des gens se donnaient des noms elfiques, ou venaient annoncer que Sauron était revenu et qu’il allait mettre fin à tout ça.

Hélas les messages étaient rarement très poétiques. Je finis même assez vite par trouver ces jeux un peu ridicules, en ouvrant le dernier message de la 253eme Galadriel, qui ne savait même pas conjuguer un verbe à la première personne du singulier. Il n’y avait là pas grand-chose de vraiment épique, juste l’univers des jeunes fanas de jeu vidéo qui investissaient un nouveau thème, sans même soupçonner sa merveilleuse profondeur. J’étais sur le point d’abandonner quand je remarquais quelques messages plus consistants, tous signés Tuima. Je dus chercher la signification de ce nom dans des dictionnaires elfiques en ligne. Tuima, dans l’ancienne langue Elfique des Quendi de Valinor, c’était un bourgeon. Il fallait le savoir.

Tuima posait des questions. On aurait dit qu’elle testait nos connaissances de la langue elfique. Je me pris au jeu. Fasciné par le monde de Tolkien, j’en connaissais déjà un bout, et j’aurais même pu faire quelques phrases en Elfique. Mais elle me dépassait toujours par ses connaissances. En plus elle écrivait des messages longs et structurés, sans fautes d’orthographe, et sans encombrer son texte de toutes ces petites abréviations «style Internet», u, 4, lol, a+ et autres smilés. Cela la mettait nettement au dessus du lot habituel des posteurs de messages. Parfois elle répondait en Quenya à des gens qui lui parlaient trop familièrement, ce qui était la meilleure méthode pour stopper toute discussion.

Répondre était le seul moyen d’en savoir plus. Et répondre dans le style. Je signais donc mes messages Faana Maiwë, le Goéland Blanc. Mon côté Breton de l’Armor, amoureux d’océan et de liberté.

Il n’en fallut pas plus pour me faire remarquer. Et, rapidement, du simple commentaire sur le film, nous passâmes à des réflexions plus philosophiques et poétiques.

C’était ce que elle aussi attendait. Mais il nous fallut vite échanger par email privé, plutôt que d’offrir nos réflexions en pâture à tous ces curieux prosaïques et souvent mal intentionnés. Puis Tuima demanda à me rencontrer. Elle habitait pas très loin de chez moi, dans la région de Morlaix, alors que j’étais plutôt du côté de Quimper.

Heureusement mes parents voyaient d’un bon œil cette rencontre avec une personne qui savait bien s’exprimer par écrit. Comme ils venaient d’acheter une nouvelle voiture, ils me laissèrent l’ancienne pour aller voir Tuima. Mais ils m’avertirent aussi que les rencontres par Internet étaient souvent très décevantes! Donc, un matin de printemps, je me posais bien des questions en traversant ma Bretagne aimée.



Au lieu dit, je trouvais facilement l’adresse, mais alors une curieuse timidité m’envahit: je n’osais pas m’approcher à moins de dix mètres de la maison de Tuima! C’était un sentiment inattendu, et d’une intensité surprenante, qui me laissa paralysé, le cœur battant. Heureusement, Tuima, qui m’attendait, sortit elle-même, ce qui dénoua la situation.

Ravi, je découvrais une jeune fille au physique agréable, plutôt petite, très mince, au visage simple et régulier, avec des yeux bleus de Bretonne et un petit nez un peu mutin. Elle portait de longs cheveux bruns qui descendaient jusque à sa taille. Elle était vêtue simplement d’une longue robe blanche avec quelques discrètes dentelles de la région de Morlaix.

Dans son apparence, et surtout dans son regard, elle était vraiment très elfique. Mais surtout, en la voyant, je pensais immédiatement «c’est elle».



Très vite nous nous prîmes par la main. Je ne m’attendais pas à un sentiment si fort et si agréable! Nos deux cœurs battants, nous marchâmes plus d’une demi heure ainsi, le long d’une petite rue qui menait à la campagne. Nous parlions peu, échangent plutôt des sourires et des regards. Mais nous ne sommes jamais allés plus loin dans nos démonstrations d’amour. Une sorte de réserve. Comme les Elfes fiancés, qui préfèrent attendre patiemment le mariage.

Rapidement nous prîmes l’habitude de nous rencontrer un week-end sur deux, en des endroits plus poétiques que les rues de la ville. Pourquoi seulement un week-end sur deux? Elle ne voulut pas répondre à cette question, qui semblait la gêner.

Intéressés comme nous l’étions par notre Bretagne, nous ne manquâmes pas d’en visiter les recoins les plus charmants, ou les plus chargés de force. Une de nos premières visites fut au Roc’h Trevesel, qui domine les inquiétants marais du Yeun Elez, autrefois le pays maudit de l’Ankou. Aujourd’hui il est occupé par la centrale nucléaire de Brennilis, comme si le monde moderne avait voulu pérenniser la réputation maléfique de ce lieu.

Grâce à l’ancienne voiture de mes parents, nous étions assez mobiles, et les roches de l’Armor reçurent chacune notre visite, de Landunvez à Perros Guirrec, en passant par Portsall, Brignogan, Roscoff, Trebeurden. Tous ceux qui aiment la Bretagne vous confirmeront qu’elle n’est jamais aussi belle que par temps de bruine, quand les roches grises forment de fantomatiques silhouettes s’estompant dans le lointain. Les vraies maisons de Bretagne sont de pierres gris-ocres, couvertes d’ardoises claires tachées de lichens jaunes. Les habitants y mettent volontiers des fleurs aux fenêtres. Rien à voir avec ces froids damiers noirs et blancs que sont bien trop souvent les lotissements «style breton» modernes.

Aussi nous parlions de Tolkien, de poésie, d’Elfes. Elle chantait juste, d’une voix simple et pure. Sa voix résonnait dans les chemins creux comme si elle était l’esprit même de ces lieux.

Une fois, nous fîmes le trajet jusqu’à Brocéliande, à la fontaine de Barenton. La légende dit que ceux qui n’ont rien à y faire n’arrivent pas à la trouver; pourtant nous arrivâmes pile dessus, au bout de ce qui nous parut seulement quelques minutes de marche.

«Il est possible que Merlin et les fées aient été des descendants du peuple des Elfes, ce qui expliquerait qu’ils aient eu de tels pouvoirs, fit elle.

-Comment est-ce possible, des descendants des Elfes?

-Sûrement, par les Rois. Les descendants d’Aragorn avaient du sang Elfique, et avant eux les habitants de Dol Amroth, les sujets du Prince Imrahil. Il est aussi resté des Elfes dans la Forêt Verte, ceux que Bilbon a rencontrés. Certains étaient trop liés avec les Hommes d’Esgaroth, ils ne sont jamais partis aux Havres Gris.»

Moitié pour rêver, moitié par jeu, nous nous étions souvent amusés à comparer la Terre du Milieu avec le monde d’aujourd’hui, et nous parlions de ces histoires comme de faits réels.

A l’époque de Frodon, les constellations avaient déjà leur aspect actuel. Cela ne remonte donc pas à plus de quelques milliers d’années. Tolkien précise, dans le prologue à la «Communauté de l’Anneau», que Arda, la Terre du Milieu, était l’Europe, autrefois, avant les bouleversements qui lui ont donné son aspect actuel. Quand? D’après les érudits, la Guerre de l’Anneau aurait eu lieu en 4000 avant JC, entamant le Quatrième Age. Et nous serions entrés dans le Septième Age en 1945. Il suffisait d’admettre que le monde avait été modifié depuis la fin de la Guerre de l’Anneau, probablement à la fin du Quatrième Age. Cela n’avait rien d’étonnant, quand on pense que, à la fin du Second Age, lors de la submersion de Numenor (le Royaume de l’Ouest, d’oú étaient venus Isildur et Anarion), Illuvatar, le Dieu unique, avait infléchi les océans. Avant l’inflexion, le monde de la Terre du Milieu était un monde plat, borné par des murailles de basalte, et entouré d’un vide infini; mais à partir de ce moment il est devenu la Terre ronde que nous connaissons. Seuls les Elfes, quand ils quittent la Terre du Milieu par les Havres Gris, pouvaient continuer à prendre la «Voie Droite», ou «Droit Chemin», au lieu de suivre la courbure de l’océan. Ainsi ils pouvaient rejoindre leur paradis, Tol Eressëa, l’île enchantée, puis Valinor, la Terre des Dieux, retranchés définitivement à l’abri du mal de ce Monde. Frodon, Gandalf et les seigneurs Elfes quittèrent la Terre du Milieu par les Havres Gris, peu après la Guerre de l’Anneau. Sam Gamegie, après la mort de sa femme Rosie, fut emmené sur un des derniers navires construits aux Havres, en l’an 62 du Quatrième Age. En tant que porteur de l’Anneau, il fut fort probablement le dernier non-Elfe à jouir de ce privilège. Cirdan lui-même ne devait rester guère plus longtemps, pour emmener quelques derniers Elfes attardés. A la mort d’Aragorn et Arwen Undomiel, en 121 du Quatrième Age, Imladris et la Lorien étaient abandonnés, tous leurs habitants ayant quitté la Terre du Milieu, avec la plupart des Elfes Sylvains de la Forêt Verte.

Réfléchissant, je remarquais tout de même: «mais ce n’est qu’un livre, il n’est pas possible que le monde ait été pareillement transformé sans qu’il n’en reste de traces archéologiques!»

Sûrement je n’aurais pas dû dire ça. Tuima ne répondit pas, mais elle se pinça les lèvres et me bouda pendant tout le reste de ce week-end.

Dommage. La prochaine fois je ferai attention de ne pas briser le rêve avec de telles réflexions.



En dépit de sa frêle apparence, Tuima n’était pas vraiment ce que l’on appellerait une «douce jeune fille». Il lui arrivait de discuter passionnément sur Internet, voire de rembarrer vertement des gens qui lui envoyaient des messages stupides. Je crois qu’elle les aurait volontiers insultés en Elfique, mais il n’y a aucune sorte de vulgarité dans cette belle langue.

Mon scepticisme l’agaçait visiblement. Je me rendis vite compte qu’elle parlait vraiment du monde de Tolkien comme étant la réalité. Ce n’était pas du tout un jeu pour elle, et ceux qui souillaient sa poésie elfique avec leurs fantasmes «fantazy» l’agaçaient plus que tous les autres. Pour contourner l’apparente contradiction entre le récit de Tolkien et la réalité visible, elle expliquait très sérieusement que les bouleversements survenus à la fin du Quatrième Age avaient fait disparaître la plupart des traces des Ages antérieurs. Ainsi l’avait voulu Illuvatar, pour quelque mystérieuse raison.



Il ne fallut pas longtemps pour que Tuima me présente à son père, un de ces hommes droits et honnêtes dont la Bretagne a le secret. Il demanda vite que je l’appelle Jean, tout simplement, comme si nous étions de vieux amis. Jean semblait souffrir de quelque chagrin. Je compris, malgré sa réserve, que sa famille était actuellement déchirée par une demande de divorce. Il n’accueillait sa fille chez lui que un week-end sur deux, et pour cette raison je ne pouvais la voir que quand elle était chez son père. Eh oui, Tuima n’avait que dix-sept ans et demi, et elle était encore tenue par des obligations de ce style.

La poétique Tuima était très loin de l’informatique. Elle avait toujours vécu à la campagne, entre Armor et Argoat, et son père avait même un bateau, un petit sept mètres en bois ancré à Perros Guirrec, que Tuima avait tout naturellement surnommé le Vingilot.

Quand elle empoignait la barre du Vingilot, la frêle Tuima avait la force d’un capitaine, et c’est moi qui devais me dépêtrer dans toutes les «ficelles», mal à l’aise sur ce pont dansant. Mais je m’y fis très vite. En deux ou trois sorties autour des Sept Iles, les écoutes et les drisses, les amures et le vent n’avaient plus aucun secret pour moi. Jean fut avec nous pour ces premières sorties, et il m’expliquait patiemment les rudiments de la mer, en vrai passionné. Quant à Tuima, elle avait l’air satisfaite de mes débuts de marin, et elle semblait même me pardonner mon scepticisme à propos des Elfes.

Un jour Jean nous lâcha seuls. Ce jour là, le vent avait tant forci que nous avons dû abattre presque complètement la grand voile, ne marchant plus qu’avec un petit foc. Le vent grondait dans la toile et nous gîtions au point que l’écume passait par-dessus le bordé. Serrant le vent au plus près, nous nous grisions de vitesse.

Alors Tuima m’a demandé de bien tenir la barre, et, se carrant dans le petit espace entre le mât et la cabine, elle a saisi une flûte traversière argentée, et en a joué une étrange mélodie nostalgique.

Tout à la fascination de cette musique sublime qui semblait jouer avec la violence des éléments, je laissais passer le temps, le regard fixé sur ma compagne, perdu dans une rêverie de marins elfiques, toujours serrant le vent pour fendre les flots encore plus vite.

Rapidement le vent forcissant nous emmenait au large. Soudain je réalisais que les falaises de Ploumanac’h n’étaient plus qu’une ligne grise indistincte dans le lointain, et qu’un grain allait bientôt nous couper toute visibilité. «Houlà, ça se gâte. Il vaudrait mieux rentrer.

-Eh, rentrer? Alors qu’on commence à peine à s’amuser? Goéland Blanc, tu me déçois.» répliqua t-elle en riant. Et elle remit tout bonnement sa flûte aux lèvres, sans plus me donner aucune directive, juste me fixant intensément de ses grands yeux bleus. En clair il me fallait me débrouiller. Soudain la pluie nous enveloppa, et la visibilité devint pratiquement nulle. Une méchante houle se levait, et, sans instruments, le retour devenait aléatoire. Puisque je me retrouvais ainsi le capitaine par délégation, je pris la décision de rentrer, et lançais un «paré à virer de bord» mal assuré. Souriante, Tuima posa sa flûte pour exécuter la manœuvre. Mais elle reprit aussitôt sa musique et l’examen approfondi de mon visage. Pendant quelques instants, notre frêle navire dansa comme un bouchon, la houle en plein travers, et je sentais la barre s’agiter furieusement dans mes mains. Puis nous reprîmes vent arrière la route de Perros Guirrec. Mais la pluie avançait plus vite que nous, brouillant toute visibilité. Et sans aucun point de repère, nous étions complètement perdus. Pourtant la pluie qui dégoulinait de son ciré n’empêchait pas Tuima de continuer de jouer une douce et mélancolique musique, tout en me regardant toujours fixement. Et, comme elle était devant la barre, adossée à la cabine, je ne pouvais pas détacher mon regard d’elle. C’était à la fois intimidant et agréable.

Soudain une silhouette sombre enveloppée d’écume se profila devant nous. «Le Gwen Braz», fis-je, et Tuima se retourna pour voir le groupe de roches avec son phare trapu. C’était un point de repère familier, et il me suffisait maintenant de garder le bon cap. Bientôt on entendit mugir la houle sur les roches de Ploumanac’h, à tribord. Rentrer serait de la routine.

Mais le regard de Tuima avait changé. Je l’avais d’abord sentie un peu provocatrice, dans le genre «montre-moi ce que tu vaut». Maintenant elle était toute admiration, approbation, amour. Une grande fierté m’envahit soudain, de me sentir ainsi aimé d’elle. Quel sentiment émouvant! Il ne devait plus jamais me lâcher, et il suffisait qu’elle me regarde pour me sentir a nouveau aimé!

Bientôt nous pûmes rejoindre notre mouillage. Il ne nous restait qu’à passer la nuit dans la cabine, chacun dans une des deux couchettes.

Lissant mes cheveux encore ébouriffés par le vent, je regardais ma compagne.

«Tu as raison, c’est bien mieux quand il y a du vent!

-Il ne fallait pas avoir peur, le Vingilot a vu bien pire. Ce n’était qu’un petit coup de vent.

-Quand même ça impressionne la première fois. Et c’était, comment dire? Beau, et émouvant. Ta musique a réveillé des échos en moi, je ne sais pas comment dire… On se serait vraiment cru du temps des guerres de Béleriand, naviguant vers l’Ouest dans l’espoir insensé d’arriver chez les Dieux pour trouver de l’aide! Et, tu vois, de retrouver ce monde terne, mécanique, prosaïque, ça me fait comme une déception… J’aurais vraiment envie de continuer plus loin, de partir pour Valinor!

-Je crois que tu es vraiment un Elfe», fit elle avec un tendre sourire, avant d’éteindre la lampe.

Comme toujours, je prenais cela comme du second degré: nous jouions aux Elfes, au monde de Tolkien. Mais j’avais la très nette sensation qu’elle l’avait dit sérieusement…

Puis je compris: seul un Elfe, à qui tout réussit, pouvait ainsi tomber pile sur le phare du Gwen Braz, sans aucune visibilité.



C’était la fin de l’année scolaire, et j’avais à effectuer un stage de deux mois dans une entreprise de Nantes. Aussi je ne pouvais plus visiter Tuima de tout ce temps. Mais nous échangions plusieurs emails par jour.

Elle revenait souvent sur sa passion du monde elfique. Nous échangeâmes même des phrases entières en Quenya. Je la critiquais un peu, mais, plutôt que de bouder, elle préféra répondre à mes doutes.

La question la plus délicate était que, si notre monde avait été la Terre du Milieu il y a seulement six mille ans, alors pourquoi trouverait-on des traces géologiques et des fossiles datant de millions d’années, dans un univers oú les étoiles accusent des âges de plusieurs milliards d’années?

Sa réponse était fort simple, et toujours la même. Comme indiqué dans les récits du Silmarilion, le monde avait déjà changé plusieurs fois avant même l’époque de Frodon. Ainsi, à la fin du Second Age, lors de la chute de Numenor et de l’infléchissement de l’océan, le monde avait été modifié de manière incroyable, puisque de plat il était devenu sphérique comme une planète. Pourtant les gens qui vivaient à cette époque ne se sont aperçus de rien, et les nouveaux paysages sont apparus avec leurs roches, leur végétation, leurs vallées, et même avec des arbres anciens. Un bouleversement brutal, géologique, aurait créé le chaos, brisant les montagnes et les forêts, donnant un spectacle de ruine et de désolation oú rien d’aurait poussé avant des siècles. Mais, bien au contraire, l’action transformatrice a donné immédiatement des paysages achevés, sans bouleversements, oú les habitants ont continué à vivre leur vie sans mesurer l’ampleur des transformations. Pourtant les océans et les continents avaient changé de forme.

Cela est parfaitement possible si, comme cela est expliqué dans le Chant des Ainus, (Ainulindalë), le monde n’est qu’une image dans l’esprit d’Illuvatar, le Dieu Créateur Unique. Ainsi, quand Il le veut, Il peut transformer cette image et lui donner immédiatement une nouvelle forme cohérente et achevée, sans passer par une phase de destruction ou de chaos.

Ainsi, probablement à la fin du Quatrième Age, Il a décidé, pour quelque raison, d’insérer la petite Terre du Milieu dans un univers bien plus vaste, celui que nous connaissons aujourd’hui. Lors du Troisième Age, celui de la Guerre de l’Anneau, la Terre du Milieu était déjà ronde, mais seule dans l’univers, avec le Soleil, la Lune et les Etoiles tournant autour. Maintenant la Terre du nouveau rêve d’Illuvatar est toujours ronde, mais elle tourne autour du Soleil dans un univers peuplé de milliards d’autres étoiles et planètes.

Pour quelque étrange raison, il a plu à Illuvatar de créer notre monde actuel avec un passé différent, puisqu’on y trouve ruines et fossiles bien plus anciens que le Quatrième Age, et même plus anciens que la création du monde expliquée dans le Chant des Ainus (Le Silmarilion). Par contre on n’y a trouvé aucune trace vraiment identifiable de la Terre du Milieu qu’ont foulé Elrond et Galadriel.

Car, comme cela était annoncé dans les prophéties, la Terre est maintenant le partage exclusif des Hommes. Les Elfes n’y ont plus aucune place, sinon dans les rêves et les légendes.



J’avoue que je ne voyais guère de faille à ce raisonnement, à partir du moment oú l’on considère que notre monde est un rêve dans l’esprit d’Illuvatar, le Dieu tout puissant, qui a créé Arda la Terre du Milieu, les races des Elfes et des Hommes, et même les puissants Valars. Il peut donc tout modifier à sa guise, jusqu’à montrer l’apparence d’un passé différent.

Mais le monde de la Terre du Milieu était un monde de magie, peuplé d’êtres aux pouvoirs psychiques incroyables, alors que le monde actuel est un monde prosaïque formés d’atomes et de particules, sans magie ni pouvoir.

Tuima répliquait que toute cette physique complexe n’a probablement été créée que à la fin du Quatrième Age, et elle n’existait tout simplement pas du temps de Frodon. Ainsi à cette époque il existait des métaux comme le mithril, qu’il est impossible de retrouver aujourd’hui. Probablement, si une mine de mithril avait passé la transition vers le monde actuel, il ne resterait aujourd’hui que du platine ou du tungstène, seuls métaux suffisamment solides et inaltérables pour faire une cotte de mailles comme celle de Bilbon.

Quant à la magie, Tiuma expliqua qu’Illuvatar avait tout simplement offert un peu du pouvoir de son propre esprit à certaines de ses créatures. Ainsi, des Magiciens comme Gandalf avaient-ils eux aussi la capacité de changer un peu le monde, comme une image dans leur propre esprit. Les Elfes avaient aussi reçu en partage une partie de ce pouvoir, et il leur paraissait tout naturel de savoir fabriquer ces lampes que l’on voit dans le film, sur le flet ou à Caras Caladhron, qui brillent indéfiniment sans feu ni source d’énergie. Mais ce pouvoir n’était que en quantité limitée, de sorte qu’il s’est épuisé avec le temps, comme s’était épuisée l’antique Lumière des Lampes, puis celle des Arbres de Valinor. Aujourd’hui bien peu restait, et seuls pouvaient encore pratiquer la magie ceux qui avaient suffisamment de sang elfique, ou certains humains qui avaient hérité des enseignements des deux Magiciens Bleus, ou encore ceux qui avaient perpétué la sorcellerie que Sauron avait enseigné aux Numénoriens Noirs.

Il n’y avait plus de vrais Elfes sur Terre depuis longtemps, depuis le Grand Départ dans les années qui avaient suivi la Guerre de l’Anneau. Mais certaines races humaines, notamment les Celtes, descendent des fils d’Aragorn et Arwen, et par là de Luthien et de sa mère Melian, leur lointaine ancêtre Maïar. Mais cette hérédité si diluée ne leur permet pas de se démarquer un tant soi peu des autres races humaines. Toutefois il arrive encore, rarement, que cette hérédité se manifeste de manière notable chez quelques Humains privilégiés. Oh, c’est assez discret, et ces Semi-Elfes modernes, ou plutôt ces «Elfes Furtifs», n’ont guère que des corps humains ordinaires, mortels, sans plus de magie que les autres. Tout au plus certains ont-ils une légèreté de forme toute elfique. Ou bien ils restent jeunes plus longtemps, ceux du moins qui ne meurent pas d’ennui ou de tristesse dans ce monde pas fait pour eux. Par contre leur esprit dispose souvent de pouvoirs particuliers d’intuition et de prémonition, ou d’une sensibilité poétique très forte. A l’extrême, certains jouissent même de quelques pouvoirs magiques, comme cela avait été le cas de l’Enchanteur Merlin. Tuima prétendait être elle-même un de ces «bourgeons elfiques» naissant sur la race Humaine, et c’est pour cela qu’elle avait choisi ce nom.

La magie existerait encore dans les forêts et certains lieux particuliers, quoique bien moins que du temps du Tournesaules ou de Fangorn. Mais cela suffit pour que des êtres sensibles remarquent des ambiances particulières en certains points précis des forêts ou des montagnes, parfois belles, parfois sombres, parfois âpres ou étranges. Mais en Europe, de nos jours, peu de ces lieux sont restés sauvages et purs. Certains lieux particulièrement propices avaient servi de temples gaulois, sur lesquels on avait ensuite construit les cathédrales; mais la plupart ont été détruits par le déboisement an Moyen Age, et, de nos jours, les derniers survivants sont victimes du bruit, du tourisme, de la pollution, des autoroutes…


Tuima commença à faire allusion à des amis qu’elle avait en Angleterre, mais sans me donner leurs noms. Ainsi, d’après elle, il existait dans ce pays une sorte de Fraternité elfique secrète, chargée de retrouver et d’aider tous les Semi-Elfes. Oh, certes, ils n’étaient pas nombreux, jamais plus de quelques dizaines par siècle, mais ils se retransmettaient fidèlement quelques connaissances et un engagement secret.

Et à ces Semi-Elfes, comme à Elrond autrefois, on leur donnait le choix: devenir des Elfes à part entière, ou rester des Hommes. A cette différence que, dans ce monde désormais vide de magie, il leur fallait vraiment quitter la Terre pour pouvoir bénéficier de l’immortalité elfique. Faute de quoi ils restaient seulement des esprits elfiques dans des corps humains mortels, avec bien peu de chances de rencontrer l’amour ni de jamais trouver le bonheur dans ce monde gris et discordant.

Tout cela était beau et bon, mais il n’en restait pas moins que Tolkien lui-même avait toujours présenté ses écrits comme des histoires, des romans. Géniaux, certes, mais inventés de toute pièce.

Pas du tout, répliqua t-elle. En fait Tolkien a eu accès à une véritable copie du Livre Rouge de la Marche. Ce Livre n’est autre que celui commencé par Bilbon Sacquet, oú il raconte avec moultes digressions son voyage à la Montagne Solitaire. C’est ce récit que Tolkien a publié sous le titre de «Bilbo le Hobbit». Mais Bilbon a eu aussi largement le temps, lors de son long séjour à Imladris, de traduire les lais elfiques de Beren et Luthien, le Silmarilion ou le Ainulindalë. Le livre a ensuite été continué par Frodon, qui dépeint la Guerre de l’Anneau, en un style clair et concis. Lors de son départ aux Havres Gris, l’année d’après son retour en la Comté, il a offert le Livre à son fidèle serviteur Sam Gamegie. Sam, Peregrin, Meriadoc et Gimli le Nain y ajoutèrent leurs propres témoignages, ce qui nous vaut aujourd’hui ce magnifique roman à plusieurs fils entremêlés «Le Seigneur des Anneaux». Ils purent également consulter librement les plus anciennes archives de Minas Tirith et apporter toutes ces précisions sur l’Histoire d’Arda, la Terre du Milieu. Les derniers éléments ajoutés au Livre Rouge l’ont été par Findegil, en l’an 172 du Quatrième Age, soit environ 3820 avant JC, et soixante ans après la mort d’Aragorn et Arwen. Tout au plus devinons-nous que le Royaume d’Aragorn retrouve sa splendeur passée. Mais le Livre Rouge ne va pas plus loin, il ne nous renseigne absolument pas sur le Quatrième Age et les ultimes transformations du monde qui lui ont donné son aspect actuel, probablement vers moins 3000 avant JC. Bien sûr depuis tout ce temps, le Livre Rouge avait été recopié plusieurs fois et traduit, en Latin puis en Anglais du XVIIIeme Siècle.

Ainsi la Fraternité avait-elle contacté Tolkien, lui donnant libre accès au Livre Rouge, pour publier l’histoire, mais à la condition expresse de la présenter comme un roman. Illuvatar n’avait pas voulu que subsiste de traces visibles de l’ancienne Terre du Milieu, mais pour quelque raison le souvenir avait été préservé, sous la forme d’une copie du Livre Rouge, dans un petit groupe d’initiés qui se le retransmettait depuis tout ce temps. Sûrement cette fraternité a gardé le souvenir d'événements plus récents, depuis le règne de Aragorn, la fin du Quatrième Age et la transformation définitive du monde, jusqu'à notre époque. Un quatrième, voire un cinquième tome au «Seigneur des Anneaux»? pensais-je. Si cela devait être écrit un jour, il faudrait trouver un écrivain encore plus fabuleux que Tolkien…

Tolkien aurait été choisi parce qu’il aurait eu lui-même un peu de sang elfique. Il est clair qu’il ressentait les ambiances des lieux, et particulièrement des forêts. C’est ce qui lui avait permis de si bien rendre les âmes des arbres, et leurs curieuses manifestations, encore sensibles de nos jours en certains endroits. Dans sa jeunesse, et même dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale, Tolkien avait déjà écrit des contes de bonne facture, et il les avait lus dans des cercles de poètes fréquentés par des Semi-Elfes de la Fraternité. Ainsi avait-il attiré l’attention des détenteurs du Livre Rouge. Mais ces contes sont souvent contradictoires, car ils ne font pas la part de l’imagination et de l’inspiration authentique. Avec d’autres poèmes de jeunesse, ils ont été récemment rassemblés tels quels par son fils Christopher Tolkien dans «Les Contes Perdus». Mais des éléments réels ont été suggérés à Tolkien dès 1918, pour qu’il écrive les premiers contes du Silmarilion, l’Histoire de la Terre du Milieu de la Création jusqu’à la fin du Premier Age. A partir de 1936, il a eu un accès direct au Livre Rouge, pour la rédaction de Bilbo le Hobbit et du Seigneur des Anneaux. Mais peu de temps après la publication en 1955, cette source lui a été retirée, et semble t-il ni sa femme Edith ni son fils Christopher n’y ont jamais eu accès, même quand ce dernier a entrepris la délicate compilation du Silmarilion.

Ceux qui détiennent le Livre Rouge cherchaient probablement à attirer l’attention du public sur le monde elfique, mais sans aller jusqu’à focaliser cette attention sur des personnes réelles. Sous le couvert de la fiction romanesque, ils pouvaient faire passer leur message, alors qu’en se manifestant ouvertement ils auraient attiré trop d’hostilité. En effet il ne doit pas être facile d’être un Elfe dans ce monde moderne de béton, de métal et de bruit, qui fait mal au cœur des Elfes. Sans compter les risques de persécution par tous ces gens qui refusent ce qu’ils jugent «anormal». Ainsi la plupart des Semi-Elfes n’aspirent-ils qu’à partir, ne se retardant que si ils peuvent préparer le passage pour les suivants.

Tuima fit plusieurs fois allusion à ses amis d’Angleterre et d’Irlande, et elle parla même de me les présenter. Elle laissait entendre que ce groupe n’était autre que la continuation de celui de Cirdan le Charpentier de navires, dont il perpétuait le travail depuis tout ce temps. Il était même connu du gouvernement Anglais, sous le couvert d’un cercle de Poésie et d’études des langues anciennes, que Tolkien aurait rencontré dans sa jeunesse. Tuima évoqua même une fois une lignée de Lords poètes qui se retransmettaient depuis la nuit des temps un discret petit château et la passion des bateaux. Vraiment une couverture idéale!

Tout cela était fort logique, mais ne reposait sur aucune preuve. Il faut bien avouer que je ne croyais qu’à moitié à cette histoire de Confrérie secrète de descendants d’Elfes, qui aurait contacté Tolkien pour lui fournir la trame de ses romans et les incroyables détails historiques qu’ils contiennent. Mais pourquoi pas, il ne manque pas de groupes de gens bizarroïdes pour inventer des histoires dingues, surtout en Angleterre.



Un jour, brusquement, les messages de Tuima changèrent du tout au tout. Elle ne répondait simplement plus à mes interrogations. Elle envoya des textes de poésie, de bonne allure ma foi, et très elfiques, certains en Français, d’autres en Breton, et d’autres enfin en Quenya ou en Sindarin. J’appréciais cette lecture et me surpris à la déclamer en rythme. Mais en ce qui me concerne, j’étais plutôt un artiste du pinceau, et mon désir secret était de sculpter. Mon rêve était de construire une sorte d’Imladris dans un coin de Bretagne encore préservé, avec des sculptures et des décorations comme dans le film, oú nous pourrions vivre heureux, Tuima et moi, et pourquoi pas d’autres Amis des Elfes. Je commençais à lui en parler, mais elle ne répondit tout simplement pas à cette suggestion.

Elle me demandait des mots elfiques que je ne trouvais dans aucun dictionnaire. Elle me demanda alors de les inventer. Sacrilège, pensais-je d’abord, je n’allais pas manquer de trahir la pure inspiration d’oú était sortie la belle langue d’Imladris ou de Valinor. Puis, devant son insistance, je cédais, et envoyais quelques «nouveaux» mots elfiques de mon cru. Elle me répondit carrément que mes traductions étaient exactes, et que je me rappelais bien notre langue!!! Cette fois elle y allait un peu fort.



Le dernier message que je reçus était bref, comme inquiet. Il contenait simplement cette recommandation: «Tu dois choisir immédiatement, soit être un Elfe à part entière, soit rester un Humain. Mais à notre époque ce n’est pas facile de faire le tri. Ce n’est plus instantané comme du temps d’Arwen Undomiel. Si tu choisis d’être un Elfe, il te faudra patiemment éliminer en toi tout ce qui ne vient que de l’Humain, cette lourdeur, ce prosaïsme, ces incertitudes. La Voie Droite est toujours ouverte, et il est encore possible de l’emprunter, comme l’ont fait autrefois les derniers Vrais Elfes à appareiller des Havres Gris, et comme le font encore les rares Semi-Elfes à naître de nos jours. Les Havres Gris existent toujours, ils ont juste changé de forme. Les terres de Forlindon et Harlindon autrefois foulées par Cirdan le Charpentier de Navires font toujours partie de la Bretagne et de l’Irlande d’aujourd’hui. Les lieux ont juste été mélangés, comme des cartes que l’on bat.»

Je lui répondis que cette fois elle allait un peu loin, mais mon email me revint avec la mention «pas de boîte aux lettres à ce nom». Le téléphone était sur répondeur, et mes lettres restèrent sans réponse. Il s’était passé quelque chose de grave, probablement à cause du divorce. Tuima m’avait recommandé plusieurs fois de ne pas lui rendre visite chez sa mère, et de ne surtout pas lui parler de nos jeux elfiques.

Il me fallait malgré tout terminer mon stage, mais je bouillais d’impatience. Je réussis à m’arranger avec mon employeur pour gagner une journée et demie. C’est ce qui a sauvé la mise, car sans cela je n’aurais jamais revu Tuima.

J’avais une forte intuition comme quoi il valait mieux que je n’arrive pas directement chez elle. Je la trouvais sur le port de Perros Guirrec, devant le Vingilot. Mais tout de suite je vis que quelque chose n’allait pas. Un homme en costume noir était sur le pont du bateau, discutant avec un groupe de sportifs en tenues bariolées et lunettes noires comme à la télé.

D’un discret geste du doigt, Tuima m’intima l’ordre de me taire. Les hommes revinrent sur le quai avec des airs satisfaits, refermant la petite passerelle avec un cadenas, après avoir retiré un panneau «à vendre». Tuima m’entraîna dans une crêperie à proximité du port, oú il n’y avait pas grand monde à cette heure. Ses traits étaient tirés et ses yeux cernés, comme par une rude épreuve. Elle m’expliqua ce qui s’était passé.

C’était effectivement terrible. Terrible, et surtout incroyable.

Le divorce demandé par la mère de Tuima avait été jugé trois semaines plus tôt. Une avocate sexiste avait traîné le père dans la boue. Ce dernier avait commis l’erreur de s’indigner des insultes gratuites et des effroyables calomnies qu’il avait reçues en pleine face. On lui avait alors immédiatement donné tous les torts. Pire, comme Tuima n’avait pas encore dix-huit ans, on lui avait interdit de voir son père, et un «éducateur» s’était même permis d’examiner toute sa vie privée, importunant ses amis, lisant ses lettres. La mère lui avait même donné son ordinateur avec tous nos emails elfiques! J’étais sidéré d’une telle indiscrétion, me sentant comme violé, traîné nu et humilié en public sur quelque moderne cyber-pilori.

Pour se venger, la mère avait mis le Vingilot en vente. Ce bateau fort simple venait du père, mais il était devenu l’âme de Tuima. Il aurait normalement dû lui revenir. Ainsi, persifla la mère, elle «gérait» le patrimoine de sa fille! L’affaire avait été rondement menée, et les nouveaux propriétaires, les sportifs couverts de publicité qu’ils avaient vus tout à l’heure, viendraient prendre possession du petit navire dès le lendemain matin.

Ainsi ma fiancée perdait tout, sa dignité, son père, sa mère qui l’avait trahie, et le Vingilot, à qui, je le compris seulement à ce moment, elle tenait énormément. Les larmes qui coulaient de ses beaux yeux bleus finirent de me bouleverser. Mais comment croire une aussi effroyable histoire? Il a fallu que Tuima me montre une copie du «jugement» pour me convaincre:

«Attendu le grave risque que présente pour Mlle X (Tuima) la fréquentation du père qui l’incite à sortir en mer en dépit de toute prudence … vu que Mlle X passe ses journées sur Internet a échanger des messages avec un prétendu fiancé Mr Y (mon nom!) qui la maintient en dehors des réalités … il convient de laisser Mlle X sous la garde exclusive de la mère … La mère aura aussi à gérer seule le patrimoine de Mlle X, en particulier le bateau «Z» (le nom officiel du Vingilot). Suivait une autre lettre annonçant la vente du Vingilot, effective dès le lendemain. Tuima avait même reçu une convocation à des examens psychologiques pour dans quelques jours, et elle recevait depuis deux semaines d’odieuses visites d’un «éducateur» qui lui reprochait sa «fuite de la société» dans le monde des Elfes!

Je bouillais d’indignation et de honte. Comment, en France, pays démocratique et patrie des Droits de l’Homme, de telles iniquités pouvaient-elles encore être possibles? Je n’en croyais pas mes yeux. Quel effroyable contraste, entre notre monde de poésie, de fleurs et de chansons, et ces gens abjects dont les insultes et les mensonges pouvaient briser une famille en toute impunité!

«C’est le Mordor» fit elle. Je la regardais, quand même un peu surpris.

«Sauron est mort, continua t-elle. Il n’a plus de corps physique ni de pouvoir magique, mais son esprit existe toujours, et il peut encore influencer les esprits faibles, par le biais de sentiments répugnants comme la jalousie ou l’avidité. Ainsi, même dans ce monde qui se veut démocratique et rationnel, il arrive encore à avoir quantité d’adeptes qui sèment la peur et le chaos.»

Il me prit soudain envie d’aller casser la figure à ces gens qui, du haut de leurs chaires, terrorisaient sans raison ma si jeune amie, et qui déshonoraient leur noble profession avec leurs méthodes d’avant 1789. Mais elle devina mon trouble.

«Cela ne servira à rien. La haine n’engendre que la haine.» avança t-elle. Puis: «As-tu fait ton choix de devenir un vrai Elfe et de rejeter tout ce qui est trop lourd en toi?» Elle ne me laissa pas répondre, me jaugeant seulement du regard. Puis elle se leva soudain. «Viens». Nous étions si abasourdis et si indignés que nous avons oublié de régler la crêperie (Je suis quand même repassé plus tard pour ce faire!).

Elle m’entraîna vers le Vingilot. Il était facile de passer par-dessus le portillon métallique qui en interdisait l’accès. Si nous n’avions pas été vus depuis la capitainerie, ça aurait été idéal.

Le bateau était toujours là, mais les beaux rêves elfiques étaient souillés par les traces de chaussures de ville sur le pont. Ces types n’étaient pas des marins, cela se voyait tout de suite. Dans la cabine, c’était encore pire, toutes les affaires personnelles avait été poussées en vrac dans un coin, sans aucune attention.

Tuima s’activa à détacher les amarres.

«Qu’est-ce que tu fais? demandais-je.

-Tu ne comprends pas? La marée est en train de baisser, le port sera fermé dans moins d’une demi-heure, et on ne pourra plus sortir avant demain. Et demain «ils» viendront prendre le bateau, et il me faudra attendre toute ma vie pour réaliser mon rêve.

-Mais ça servira à quoi? Il te faudra bien revenir de toutes façons.

-Enfin, tu ne comprends rien, ou quoi? s’énerva t-elle. Nous ne reviendrons pas! Nous allons à Valinor. C’est maintenant ou jamais.

-Hein? Mais c’est impossible de…»

Elle se tourna vers moi avec violence.

«Tu es un Elfe toi aussi, oui ou non? Si on est des Elfes alors la Voie Droite est toujours ouverte. D’autres l’ont prise il y a seulement trois ans. D’autres encore restent en Angleterre pour aider les suivants. A moins que tu ne préfères rester dans ce monde d’Orques en costume-cravate.

-Enfin, ce n’est qu’un roman, et…

-ALORS RESTE!»

Il n’y avait plus rien à dire, sinon descendre du bateau. Je préférais tout de même rester sur le Vingilot. Parce que il fallait que je la protège, parce que, majeur, j’étais juridiquement responsable d’elle… et des tas d’autres fausses raisons. Mais la vraie raison est que je l’aimais, et que, face à l’incroyable injustice dont elle était victime, s’élevait en moi l’espoir insensé qu’elle ait raison et qu’ainsi elle puisse échapper définitivement à ses tourmenteurs. Des sportifs en survêtements de Polichinelle… Je commençais à établir les voiles.



Notre escapade désespérée sembla d’abord se passer à merveille. Il était grand temps, car la mer baissait rapidement, et nous avons même dû racler un peu le sable du fond. Heureusement le jusant nous entraînait à vive allure, malgré le faible vent.

Le soir tombait, et je pris la barre. Ce fut une belle nuit, avec une très bonne visibilité, et les nombreux phares de la Côte de Granit Rose nous indiquaient amicalement la route. D’autres lumières vertes et rouges signalaient les navires à éviter, comme dans une sorte de jeu.

Le vent forcit durant la nuit, et nous marchâmes à bonne allure. Nous traversâmes le Rail d’Ouessant à l’aube, sous un ciel bas et gris, avec quelques traînées de pluie qui mangeaient déjà la visibilité. Un petit bateau naviguant sans précautions dans cette zone risque gros, et il valait mieux se couler dans le trafic que de le couper en plein travers. Nous avons quand même du louvoyer entre un pétrolier et un gros porte-conteneurs. Il était étrange de penser que la voie qui conduisait au délicat paradis elfique de Valinor puisse s'ouvrir au beau milieu de ce monde de métal et de gasoil.

Tuima voulut écouter la radio maritime, pour la météo. Pas joli, un avis de tempête était annoncé juste devant nous. Soudain je tendis l’oreille, stupéfait: On parlait de nous! «Incroyable fugue en mer», décrivait le commentateur. Pas d’erreur, il donnait le «vrai» nom de notre bateau. Mais ces gens ne nous lâcheraient donc jamais? Je n’avais plus qu’un désir: fuir, fuir le plus loin possible. Mais Oú?

Tuima avait l’air de savoir oú aller. Elle me donna un nouveau cap.

Nous réduisîmes la toile pour affronter le mauvais temps qui s’annonçait. Comme lors de notre sortie à Sept Iles, nous rasions les vagues, serrant au plus près un vent qui forcissait de plus en plus. Rapidement pluie et embruns réduisirent la visibilité à presque rien. L'océan était complice de notre fuite.

Ma compagne semblait rassérénée. Elle se pencha vers moi, et, sans crier gare, elle m’offrit son premier baiser! «Je suis heureuse que tu sois avec moi» dit-elle, en prenant mes mains dans les siennes. J’étais abasourdi, en un instant d’émotion brûlante. Emu aux larmes, je l’aurais suivie n’importe oú. Après un tel geste d’amour, je me sentais incroyablement sûr de moi, j’étais vraiment un Elfe naviguant pour Valinor!

Notre bonheur fut intense, mais de courte durée. Nous avions dépassé Ouessant depuis longtemps, la houle commençait à secouer dangereusement notre petit bateau, et il n’y avait toujours pas de Voie Droite. Le rugissement du vent dans les haubans devenait vraiment effrayant, et il nous fallu réduire encore la toile au minimum. En mon for intérieur, je commençais à préparer ma défense: j’étais monté avec elle pour la protéger, sinon elle serait partie seule, etc.



La radio annonça un nouveau développement.

«Le bateau des fugitifs est suivi par radar depuis le début, grâce à l’alerte précoce donnée par la capitainerie de Perros Guirrec. Les fugitifs sont à portée d’une frégate d’intervention rapide de la Marine Nationale. Seul le mauvais temps n’a pas encore permis d’envoyer un hélicoptère.»

Tuima eut l’air hébétée, comme si elle avait reçu un coup. Contre une frégate rapide, nous n’avions aucune chance. Nous serions vite rattrapés, et le rêve elfique allait se terminer dans le sordide des procédures interminables, des accusations infondées et des calomnies. Et moi je ne reverrais probablement jamais ma bien-aimée.

Soudain elle se leva, me laissant seul à la barre. Il était maintenant difficile de maintenir notre cap, et même d’avancer, car le navire faisait des embardées sur les vagues de plus en plus grosses, menaçant de m’arracher la barre des mains. Notre situation devenait réellement dangereuse, et des grincements effrayants commençaient à parcourir la frêle coque de bois.

Tuima ressortit de la cabine. J’eus à peine le temps d’apercevoir un objet noir passer par-dessus bord. Plouf, plus de radio.

«Eeeh mais qu’est-ce que tu fais?»

Elle ne répondit pas. Elle saisit une drisse, et une forme argentée s’abattit sur le pont. Le réflecteur radar, qui permettait aux militaires de nous pister. Une seconde plus tard il rejoignait la radio au fond de l’océan.

«On est au bon endroit, mais c’est toute cette saleté de matériel électronique qui empêche la Voie Droite de fonctionner» hurla t-elle pour couvrir le hurlement du vent dans les haubans.

«Mais tu es dingue, ou quoi? On court au naufrage et tu jettes tout le matériel de secours! Il faut laisser les matafs nous rattraper, sinon on va y passer tous les deux!» Mais elle ne répondit pas, disparaissant à nouveau dans la cabine.

Elle ressortit avec un objet jaune. Interloqué, je reconnus la balise Argos, notre seule chance d’être retrouvés en cas de naufrage. Cette fois je me précipitais pour tenter d’éviter l’irréparable. Trop tard, la précieuse balise passa elle aussi par-dessus bord.



A ce moment il y eut comme une embardée, et je fus moi-même projeté par-dessus le bastingage.

Choc, bouillonnement, froid. Dans cette semi-obscurité laiteuse, je ne savais même pas oú était le haut ni le bas. Heureusement mon gilet de sauvetage me ramena de lui-même dans la bonne position, la tête au dessus de l’eau.



Je fus sidéré.

Le Vingilot s’était sorti de l’eau, et il flottait maintenant à cinq ou six mètres en l’air, la quille parfaitement visible. Il était entouré d’une sorte d’aura de lumière dorée, comme si le soleil s’apprêtait à percer à travers les nuages.

La Voie Droite fonctionnait!

J’aperçus Tuima qui me faisait des signes et hurlait quelque chose. Elle tenta de me lancer une drisse, mais il était trop tard, et le navire, s’élevant toujours plus haut, fut avalé par le brouillard.

Et j’étais maintenant immensément seul, fou de chagrin et de frustration: j’avais laissé passer la chance de ma vie! Au lieu d’être définitivement heureux avec Tuima dans son paradis verdoyant de fleurs et de poèmes, je m’étais condamné à rester abandonné dans ce monde égoïste et prosaïque!



Je me souviens avoir aperçu la balise Argos flottant à une dizaine de mètres. J’ai dû nager vers elle et la mettre en marche. Après, tout est noir, et je ne me rappelle que de mon réveil, dans l’infirmerie de la frégate de la Marine Nationale.



Et j’étais malheureux comme seul un Elfe peut l’être.



On ne retrouva jamais aucune trace du Vingilot, et Tuima fut officiellement portée disparue en mer. Et bien sûr d’ignobles soupçons retombèrent sur moi. La mère de Tuima, n’ayant plus sa fille à détester, reporta toute sa méchanceté sur moi. Elle porta plainte, et je dus subir interrogatoires et dépositions, oú l’on me demanda notamment de fournir l’adresse de la «secte anglaise». Heureusement j’avais une défense simple, mais très efficace: je ne savais rien de la situation familiale de Tuima. J’étais partie avec elle comme son équipier, comme nous le faisions d’habitude. Les histoires d’Elfes n’étaient qu’un jeu. Et de toutes façons j’avais été traumatisé par le naufrage, j’avais moi-même échappé de justesse à la mort, et je ne me rappelais plus de rien.

Bien entendu la mère de Tuima avait détruit ou dispersé toutes ses affaires personnelles. Inutile de lui demander quoi que ce soit, il ne me restait plus que mes souvenirs. En particulier, je n’avais aucun moyen de retrouver les adresses de ses amis anglais! Jean, le père de Tuima, au contraire, aurait voulu m’aider, mais il ne disposait d’aucun renseignement. Il avait cruellement souffert de la trahison de sa femme, et je compris que j’étais sa seule consolation. Pour lui, il était clair que j’étais son beau fils, et le meilleur souvenir de sa fille. Ce marin simple et droit est maintenant un excellent ami et un très bon soutient. En tout cas il fut le seul à pleurer la disparition de Tuima. Et aussi du Vingilot, qui avait été sa vie depuis plus de vingt ans. Je n’osais pas lui dire la vérité, mais il devait s’en douter, car il ne s’étonna jamais de m’entendre parler de revoir un jour Tuima.

Car j’en étais maintenant convaincu, ce n’était pas de la littérature: Tout ce que m’avais dit ma compagne était parfaitement vrai, et, en l’an 2002, an 57 du Septième Age, il était toujours possible pour certaines personnes avec suffisamment de sang elfique de prendre la Voie Droite et de rejoindre le paradis elfique de Valinor. A condition de ne pas se cramponner à une balise Argos…

Mais je n’avais aucun indice sur d’autres personnes dans ce cas. Il ne me restait plus qu’à tester les 253 Galadriels pour voir si dans le tas il ne s’en trouvait pas une vraie. Pire, avec l’enquête judiciaire contre moi, je ne pouvais même pas utiliser Internet depuis mon PC, il me fallait faire mes recherches depuis des cybercafés de Brest ou de Lorient, en me cachant comme si je faisais quelque chose de malhonnête.



Tout de même, sous prétexte d’un projet d’aller déposer une gerbe de fleurs sur le lieu de la disparition, j’allais demander au Capitaine Le Troadec les dernières coordonnées qu’avaient indiquées la balise Argos. Il me communiqua aimablement ce renseignement, qu’il avait consigné dans son livre de bord. Il me fit même monter sur sa frégate, heureux de me rendre ce service. Bien sûr je n’indiquais pas mon vrai motif au militaire. Mais maintenant je savais d’oú partait la Voie Droite.



Car j’avais pris ma décision.

Un jour j’aurai moi aussi un bateau. Et j’emprunterai la Voie Droite à mon tour.





Faana Maiwë, 2002.

Kellen
29/09/2007 16:46
Ferme les paupières, rejoins la nuit.

Magnifique.

J'ai adoré.
Merci à toi pour cette lecture.
Phèdre
29/09/2007 20:52
Novice
Maintenant Multi d'Emin (à compter du 4 novembre de l'an de grâce 2007)

Moi aussi je suis restée bouche bée sous mes larmes à la fin, ce texte est vraiment magnifique et plein d'espoir...

J'ai essayé de contacter l'écrivain mais sans succes
Thismardoch
10/10/2007 01:44


C'est vraiment magnifique. Que ne suis-je pas elfe...
Darkan
10/10/2007 09:45
Juste pour aujourd'hui ...

Très beau même si je connais pas grand chose à l'univers de Tolkien (me frappez pas). Le passage du milieu expliquant la théorie de Tuima, bien que necessaire, m'a un peu coupé dans l'histoire "principale" mais sinon j'ai vraiment aimé retrouver un côté magique autour de cette relation avec un décor(divorce, argent) très terre à terre et actuel. Bravo à l'auteur.
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