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Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !
DEFENSEURS
DEFENSEUR I
Courez dans leurs temples pour les solliciter
Ces dieux dont vous croyez qu'ils gardent la cité.
Prosternez-vous aux pieds des idoles muettes,
Agitez sous leurs nez vos sottes amulettes !
Moi, je ne me fierai qu'au tranchant de ma lame,
A l'airain de mon coeur, au plus fort de ma flamme
Et aux bénédictions que je distribuerai
Sur le champ de bataille au fil de mon épée.
Car ces statues de bois, ces bronzes et ces marbres
Que vous avez sculptés dans la pierre ou dans l'arbre
Ces simulacres peints ne vous sauveront pas.
Moi, je me battrai seul aux remparts de la ville,
Mon acier fauchera la vie de cent et mille :
Je ne rougirai pas à l'heure du trépas.
DEFENSEUR II
Ils ne sont que poussière et grande est leur faiblesse,
Le mal les a touchés, le vent mauvais les blesse.
Ils invoquent des dieux en qui ils n'ont pas foi
Et servent en tremblant des rois comme autrefois.
Sur leurs fronts inclinés, ils ont versé la cendre
Car au séjour des morts ils ont peur de descendre.
Ils revêtent des sacs, se traînent à genoux
Pour jeter leur fardeau et s'en remettre à nous.
Ma barbe est tressée, ma chevelure flotte
En fils d'or enlacés aux mailles de ma cotte,
Car volontairement je m'offre pour la guerre.
Mon regard méprisant les cloue sur le parvis
Mais je les défendrai au péril de ma vie :
Paysans ou bourgeois, ils sont gens de ma terre.
DEFENSEUR III
Un jour de jugement sur nous s'est abattu.
Le sanglier puissant fuit devant la battue.
D'un cerf majestueux on sonne l'hallali,
Et le roi lui-même se terre sous un lit.
Les dieux ont mis à nu les oeuvres de la chair.
Ils amassent le feu et vont forger le fer.
L'ardente colère de nos maîtres célestes
Déversera sur nous la famine et la peste.
La cité tombera fauchée comme du blé mur,
La prière est vaine, l'arrêt divin est sûr.
Alors, pour toi, Célie, à mon propre courage
En prenant les armes, je rendrai témoignage.
Je couvrirai ta fuite et celle de tes proches,
Ne te retourne pas, je n'ai pas de reproche.
Promets-moi seulement qu'à ton premier garçon
Dans la paix revenue, tu donneras mon nom.
DEFENSEUR IV
Si tu poursuis le vent et aimes les mensonges,
Si tu ajoutes foi aux visions et aux songes,
Si tu rampes tremblant aux pieds des prêtres sots,
Je rendrai, mon frère, et l'épée et le sceau.
Si tu crois, pauvre idiot, que par des sacrifices,
Tu écartes la guerre et préserves tes fils,
Si tu pousses des cris pour implorer les cieux,
Briser mon arc glorieux, qu'ai-je à faire de mieux ?
Si tu paies le médium ou le vil nécromant
Pour une prophétie sur ton aveuglement,
Si pour te conseiller, tu choisis l'étranger,
Je ne serai plus là quand viendra le danger.
O mon frère, ô mon roi, vais-je te supplier,
Et devant ton trône, les deux genoux plier ?
Ton épée dans ma main, j'étais son sûr soutien.
Ce n'est pas mon royaume et bientôt plus le tien.
DEFENSEUR V
" Beau guerrier, va sans peur et garde en vue le prix,
De cuir noir ceins tes reins, fortifie ton esprit,
D'airain cercle ton coeur, démontre ton ardeur
Et de ton souverain, exalte la faveur ! "
Ainsi parlait le roi, implorant mon recours,
Car sur nous l'ennemi avançait sans détour
Et sa peur s'attisant à de sûres nouvelles
Il puisait son pouvoir à m'espérer fidèle.
De palais et d'argent il me voulait combler
Et pour voir à sa main mon armée assemblée,
Du bandeau d'or princier, il enserra mon front.
Ce geste insincère me devint un affront.
Je défendis le roc que la Cité couronne
Pour un chagrin constant et non pour la Couronne.
La femme que j'aimais et dont il fit sa reine
Justifie ma valeur et ignore ma peine.
DEFENSEUR VI
Nous pensions détenir toute la connaissance.
Du dieu, la vanité épuisa la patience.
Ses prophètes brûlaient d'invoquer le néant.
Et pourtant nous croyions être maîtres du temps.
Avons-nous jamais craint de sanctifier l'outrage ?
L'arrogance et le fiel nous servaient de courage.
Nous disions en riant : " Qu'il cite ses témoins
Et que de son renom enfin il prenne soin ! "
Ajoutant à l'orgueil le poison du blasphème,
Nous avons préféré nous diriger nous-mêmes
Et dans les lieux sacrés où s'enflammait la foi,
Nous avons érigé les tables de nos lois.
Le joug du dieu paraît désormais bien léger.
En ces jours de malheur, qui va nous protéger ?
Mon peuple me supplie d'offrir un sacrifice.
La mort du défenseur sera-t-elle propice ?
DEFENSEUR VII
Le roi cherche un homme qui soit selon son coeur,
Etant de sa couronne un ardent défenseur
Et de ses ennemis un éminent vainqueur
A qui il offrira la couche de sa soeur !
Croyez-vous, mes amis, que la folle donzelle,
Même fille de roi, couverte de joyaux,
À défendre son droit excitera mon zèle ?
Vous êtes aussi naïfs qu'un enfant au maillot !
Notre grand souverain lorgnant sur mon épée
Croit m'appâter avec d'hypothétiques charmes.
Ses petits yeux sournois sous ses sourcils épais
Réussiraient presque à tromper mes alarmes.
Il suffit que je voie, se dirigeant vers moi
Comme à l'abordage, cette sotte pimbêche,
Pour que me résignant à ne pas être roi,
Je range mon épée et parte à la pêche !
DEFENSEUR VIII
Il est payé fort cher pour se battre ou défendre,
Ce guerrier aux yeux caves, au teint couleur de cendre,
Qui rend presque avenant de la mort le sourire.
L'or seul justifie-t-il que l'on puisse mourir ?
Marié à son épée, veuf de toutes les femmes,
Sans pays, sans maison, mercenaire sans âme,
Il vend au plus offrant et son sang et sa gloire.
L'or seul justifie-t-il qu'on perde la mémoire ?
D'une ville assiégée on le voit défenseur.
D'un autre lieu demain il sera l'agresseur.
Son ardeur au combat est une valeur sûre.
L'or seul justifie-t-il le venin des blessures ?
Sans doute un lourd secret habite-t-il son coeur
Pour qu'il avance ainsi sans connaître la peur.
A-t-il perdu jadis une femme, un enfant ?
L'or seul justifie-t-il cette fuite en avant ?