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« Ah quel plaisir de vous revoir ! Vraiment ! Vous savez depuis qu’il est parti habiter dans cette auberge, mes journées sont bien longues. Et même si j’apprécie toujours autant les parties d’échecs avec Nicole, elle a malgré tout peu de conversation … »
Depuis votre passage, la caverne a peu changé. Le salon avec son canapé et ses fauteuils est toujours aussi accueillant. Et votre hôte, Jeeves, prévenu de votre visite, a bien fait les choses. Sur la table basse, vous attendent boissons fraîches et autres friandises.
Il s’installe dans son fauteuil.
« Vous savez, il me manque malgré tout. Mais, çà lui ressemble cette infidélité. Enfin çà va lui passer comme les autres fois et nous reprendrons nos habitudes. Ah ? Je vous vois surpris … Eh bien, voilà … »
Et tout en parlant, votre interlocuteur vous sert une rasade d’un whisky à forte odeur tourbée, s’en remplit une choppe, et se carre dans son fauteuil.
C’était il y a déjà quelques années. L’hiver avait été rude, non pas parce qu’il avait été particulièrement froid, mais parce que nous étions tombés en panne de trolls. Plus un ne gambadait dans notre région. Et pas de plus de gobelins, d’orcs ou de géants. Pas la moindre vierge à sauver, le moindre dragon à occire. Alors, bien sûr, nous avons essayé de varier les plaisirs : JB avait un peu chassé le lynx à dents nues. Mais, cela l’avait vite lassé. Le lynx des neiges est décidément trop fragile. Ensuite, il avait essayé la chasse à pieds. Le principe en est simple le chasseur doit poursuivre sa bête sur les mains, et la combattre à pieds nus. Mais, la neige rendait ce jeu peu intéressant, voire même dangereux. En effet, le chasseur a constamment la bouche dans l’eau et est obligé d’en ingérer . Or vous connaissez les penchants de mon maître …
Bref, l’hiver avait été rude. Je sentais bien que quelque chose ne tournait pas rond chez lui. Ses poésies étaient d’une tristesse à mourir, son appétit était celui d’un moineau, enfin d’un gros tout de même. En un mot, il dépérissait.
J’avais appris qu’une troupe produisait un grand spectacle dans la ville voisine, que l’on m’assurait être de qualité. J’espérais que la vue de celui-ci lui apporterait du baume au cœur. Aussi, nous nous y rendîmes prestement.
Les habitants s’étaient habitués à ma présence, grâce à notre force de persuasion, et je pouvais comme tout un chacun assister à ce spectacle.
La salle n’était certes pas dotée d’une grande qualité acoustique. Le temps avaient fait pâlir ses dorures, et les nombreux postérieurs qui s’étaient posés sur les sièges en avaient râpé le velours. Mais ma foi, elle restait plutôt agréable, et bien chauffée.
Le public était nombreux, mais curieusement, si j’ose dire personne, n’osait s’aventurer trop près de nous. A la réflexion, l’allure de mon maître et ses haches qu’il avait cru devoir garder (il n’a jamais eu trop confiance dans les services de vestiaire), et mon statut de plantigrade devaient sans doute y être pour quelque chose. Le personnel du théâtre éteignit les bougies d’éclairage. Le brouhaha suivit le même mouvement. Une voix déclama : « Reuméheurk et Jielya , opéra en trois actes de la célébrissime Aramina »
Les trois coups tonnèrent, et le rideau se leva lourdement. L’histoire était passionnante, celle d’un amour sans avenir entre un orc et une princesse elfe. Les artistes avaient des voix magnifiques. L’orchestre réussissait à se faire oublier afin de mieux mettre en valeur encore leur prestation.
Lorsque la lumière revint, je vis mon maître comme prostré, anéanti. Je dois dire que moi-même j’avais du subrepticement me moucher dans le fauteuil voisin, tant l’émotion qui m’étreignait était forte.
Comme tout le public je me mis d’un bond sur mes pattes, et applaudis à tout rompre.
Mon maître lui n’avait pas bougé. Je n’osais le toucher de peur de rompre son état. Dans ses cas-là, JB pouvait avoir n’importe quelle réaction, même par rapport à moi. Etait-il dans une transe poétique, comme cela pouvait lui arriver quelque fois ? Un coma léthargique, comme après avoir abusé de liquides divers ?
La salle se vidait, il restait toujours immobile.
Cinq minutes plus tard, il revint à lui.
«- Voilà, je sais !
- Pardon ?
- Je sais. Je sais ce à quoi je dois vouer ma vie. Le sang, la lutte, la bataille. Tout cela est vain. Rien ne peut remplacer l’Art.
- Oui, mais …
- L’Art pour être apprécié pleinement doit être totalement abouti. Je vois un spectacle mêlant poésie, chant, danse, sculpture … Quelque chose de totalement novateur. Je vois une grande salle, la plus belle pour lui. Je vois des centaines d’artistes, de musiciens, de sculpteurs, de danseurs … Dès demain, nous mettrons en route ! »
J’espérais secrètement que ce n’était qu’une lubie due à un manque d’hémoglobine et d’action, que le lendemain tout irait mieux .
Ma déception fut grande quant au matin je le vis sortir de sa chambre vêtu d’une grande toge blanche, et couronné de fleurs, un sourire niais sur les lèvres.
« - Jeeves, mon bon Jeeves,
Sortons voir si la rose est éclose
Si l’aurore s’est enrobé de brillantes choses
Afin d’être l’écrin de notre nouvelle vie
Et le théâtre de ce destin qui soudainement m’a pris »
J’en restais pantois. Comme deux ronds de flan.
« - Sors donc des caves les grands coffres, et charge les sur ma monture ! »
Le trésor ! Il partait avec tout ce que nous avions amassé. Et pour faire quoi ? Dans son état, cela n’était pas raisonnable. Je décidais d’en conserver une partie sous la bonne garde de Nicole. Je mis le reste sur son cheval qui ploya sous l’effort.