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Joute n°43 : Donneur de paroles, paroles d'honneur Joute 43 Texte B : Le néo-viel Idylle
… nous venons d’écouter « Sour Time par Portishead ». Tout de suite après le bip, il sera exactement 19h avec le journal. … Biip.
Bonjours chers auditeurs, nous nous retrouvons pour les informations du soir. Une fois encore, les altercations entre les nouvelles milices de quartier et les forces de l’ordre se sont montrées musclées. Hier soir, vers 20h, malgré l’intervention des forces de l’ordre dans les quartiers sud, un groupe de citoyens armés, s’en est pris : je cite : « aux représentants locaux de la mafia ». Une violente échauffourée a opposé les milices citoyennes et les employés d’un petit restaurant de la rue Jaurès. Malgré l’intervention héroïque des membres du corps d’intervention, de nombreux membres du personnel se sont fait passer à tabac, plusieurs d’entre eux sont dans un état critique. Suite aux altercations, la police détient huit personnes qui devront répondre de leurs actes. Nous avons interviewé un ancien habitant du quartier qui souhaite rester anonyme. Il dénonce un règlement de compte : « Les gars des milices, y disent qu’ils sont là pour nous protéger. Mais moi je les connaissais bien les gars d’chez Manny ! Manny c’est l’vieux turc du coin, il aide pas mal de monde vous savez, c’est un bon gars. Et sous prétextes que quelque fois il aide des gars pas tout net, et ben regardez : les milices, elles lui ont tout cassé et après ça, ben c’est les flics qui l’ont embarqué ! Pis la ptite Nancy, pourquoi ils l’ont tabassée ? Hein, vous pouvez m’expliquer vous ? Elle est gentille la ptite Nancy. Des fois elle m’aidait à porter mes sacs. C’est pas sa faute si elle a pas trouvé d’boulot après les études. Manny il lui offrait des repas des fois, comme aux autres jeunes du quartier. … Moi j’vous l’dit, si ils ont tout cassé, c’est pacque des gars de la milice, ils ont pas trop aimé que le fils du Manny,… ben, il a un peu flirté avec la ptite Nancy » Nous remercions « Hervé » pour ses propos. La petite Nancy, habituée de l’établissement depuis plusieurs mois, se trouvait justement ce soir-là au café de Manny. Elle compte au nombre des victimes de l’altercation d’hier soir. Suite à l’agression, elle se trouve en situation critique. Elle est hospitalisée à l’hôpital du mont d’Elpis. Elle souffre de multiples fractures et d’une grave hémorragie interne. Sa famille, incapable de payer tous les soins, lance un appel à la solidarité. Si vous aussi vous souhaitez aider Nancy, retrouvez sur notre site, le lien pour une donation en faveur des soins aux victimes d’agression civiles. … Le regard dans le vague, je sens mes reins se serrer. Tandis que tous les poils de mon corps se dressent, je ressens un frisson qui me remonte sournoisement l’échine. Dans la pénombre de ma chambre, mon bras se lève et ma main se tend en direction du clavier. Inconscient du tremblement qui me secoue, je regard hébété : la barre de chargement : la vidéo continue son avancée implacable. Quelques instants se perdent dans le flot de l’éternité. Je clique au repère : 01:26 : … nous venons d’écouter « Sour Time par Portishead ». Tout de suite après le bip, il sera exactement 19h avec le journal. … Biip. Bonjours chers auditeurs, nous nous retrouvons pour les informations du soir. Une glace brulante m’enserre le cœur. La boule de ma gorge, acide et caustique m’empêche de rugir. Mes sanglots font face à la lune, qui me contemple, silencieuse, implacablement prétentieuse. Du haut de sa majesté, elle me renvoie une image imperturbable. Dans mon crane, la voie impersonnelle de la présentatrice résonne. Elle me parle de ma Nancy ! Je clique : Encore puis encore, puis une fois encore ; 01 :26 : un ton classieux ; 01 :26 : d’un impersonnalisme impeccable ; 01 :26 : AHHHHHHHHHHH ! … Je reste comme hébété pendant une dizaine de minute. Je me repasse en boucle, encore et encore, les mots fatidiques : « Suite à l’agression, elle se trouve en situation critique. Elle est hospitalisée à l’hôpital du mont d’Elpis. Elle souffre de multiples fractures et d’une grave hémorragie interne » Une sensation étrange dans ma joue me dérange. Après quelques instants, je réalise qu’un tic nerveux me fait tressauter les muscles faciaux. Je prends quelques instants pour vaincre les tremblements qui m’habitent, puis, l’esprit embrumé, je me lève et enfile ma chemise noire. Je me visse un béret sur le crane puis je sors en prenant soin de nouer mon foulard rouge au bras. L’envie de hurler me hante. Un cri sauvage et primordial reste coincé sous ma glotte. Je presse le pas. Autour de moi, je gens s’écartent prestement. Trop vite, bien plus vite que d’habitude lors des patrouilles. Quelque chose dans leurs regards me fait prendre conscience de la rage qui sourde de moi. Les émotions s’entrechoquent dans mon esprit. L’envie de courir me prend, toutefois la glace qui enserre mon dos, me force à garder une allure digne et militaire. Le cri qui s’obstine à rester en moi augmente les tourments de mon âme. C’est avec un calme digne des dieux de l’olympe que je franchis la porte de la tour. Personne ne m’arête dans le hall, après tout je suis bien connu ici. Seul Dimitri le gars de la sécurité, soulève un œil intrigué à la vue de la batte de baseball que je viens de sortir de sous mes habits. Mais à mon regard, il se remet en position. Je prends le troisième ascenseur, celui qui s’arrête au vingtième étage. Lorsque la porte s’ouvre sur le bureau de Billy, une clarté surnaturelle me révèle immédiatement la présence de Ben, mon ami. Il est assis, nerveux, dans un coin de la pièce. A mon arrivée, il fait mine de se lever, mais se ravise après un bref coup d’œil vers l’imposant bureau de bois marqueté qui trône un peu plus loin dans la pièce. Derrière ce dernier, je vois Bill. Ma rage s’enflamme. La glace fond dans mon dos, et c’est un feu liquide qui me parcourt le corps. Je fais quelques pas rapides en direction du centre de la pièce. * Au son de l’ascenseur, Bill se retourne vers la luxueuse porte de bois. Sans surprise, il voit Basil, armé d’une batte s’avancer d’un pas décidé dans la pièce. Ben lui jette un œil, mais il lui fait signe de rester assis. Il écarte les bras et dit : « Basil ! Je t’attendais ! J’ai une bonne nouvelle pour toi. » un large sourire s’étend sur son visage. Au centre de la pièce, le jeune homme continue d’avancer d’un pas décidé vers le bureau. Dans le coin, Ben hésite, puis finit par se lever. Avec un air sérieux, Bill repose les deux mains, toutes droites, sur le bureau et fixe Basil du regard. « J’ai eu vent de tes soucis avec cette fille du quartier sud, ne t’inquiète pas, nos gars ont tout réglé. Tu peux l’oublier maintenant, elle ne se mettra plus en travers de ton chemin. Je compte sur toi pour mener à bien les actions de demain. Nous devons nous rendre au centre administratif, un indic fiable nous a révélé la présence probable de forces révolutionnaires qui manifesteront devant le siège de Cartidas. Nous devrons à tout prix les empêcher d’entrer dans l’immeuble. Tu seras en charge de la deuxième brigade, tu iras ahhng » Bill se rejette en arrière, le souffle coupé. Il contemple les restes de sa main : Une bouillie rouge, informe qui macule la surface du somptueux bureau. Au bout de son bras, un moignon misérable pendouille. Quelques giclures de sang finissent de rougir les environs. Le fracas de l’impact résonne encore dans la pièce volumineuse. La scène semble se figer quelques instant. Puis, alors que Basil s’apprête à abattre la batte à nouveau, un « Putain ! Merde ! » retenti et deux gardes se jettent sur lui. * Mhhhhhhhhh ! La sensation des os qui se brisent, la légère résistance de la main qui amorti l’impact entre le métal de mon arme et la surface de chêne poli. C’est avec un calme étonnant que je traverse la tempête de feu qui fait rage en moi. Je plonge mon regard dans celui de Bill. J’adore ! La sensation que me procure la vue de l’expression abrutie qui se peigne sur son visage. Cet enculé n’avait même pas imaginé que je pourrais le frapper. Ca y est ! La douleur lui parvient au cerveau. Il se jette en arrière, renversant le massif fauteuil de cuir dans le mouvement. Sa main droite autour du moignon de sa gauche, il regarde, hébété, le sang couler. Mes flammes consument tout. Alors qu’un rictus carnassier s’affiche sur mon visage, je sens ma bite se tendre. En ce moment, j’ai complètement oublié Nancy, j’ai complétement oublié ma rage, je m’abandonne tout entier à l’instinct primaire qui me dicte d’éclater ce mecs en face de moi. L’ivresse du combat comme on la nomme avec les potes. Je relève la batte. Du coin de l’œil, je vois Ben qui se précipite vers moi, et j’entends un lointain : « Noooon ». J’hésite une demi-seconde. Menace ? Je n’ai toutefois pas le temps de m’en préoccuper. Un choc violant à la base du dos me projette contre le bureau. Le souffle coupé, je tente de me retourner et d’assener un coup derrière moi. Mais une main experte me prend le poignet et me désarme brutalement. Quelqu’un me tord le bras et je me retrouve face contre le bois. Je tente de me débattre. « Bouge pas enculé ! » Les mots sont accompagnés d’une vive douleur dans mon épaule droite. Comme je n’obtempère pas, quelqu’un me balance un coup de crosse au visage. Je sens mes dents se briser. Sonné, je cesse enfin de me débattre. Du coin de l’œil, je vois quelqu’un aux coté de Bill. On lui applique quelque chose sur le bras. Malgré ma position et le sang qui coule de mes dents brisées, je ne peux retenir un petit rire, qui tourne au râle lorsque le garde me remet un coup. « Butez-moi ce merdeux ! » La voix de Bill. A l’entendre, lui aussi est habité par la rage en ce moment. J’entends le déclic d’un cran de sécurité relevé. Puis la voix de Ben : « Bill ! Non ! Attend ! On a encore besoin de lui.» Je ne comprends pas trop ni comment, ni pourquoi, mais apparemment Ben me sauve la vie à cet instant : Le garde n’a toujours pas tiré. Je force ma tête à se relever et je regarde deux océans de glace au fond des yeux de Bill. Le contraste avec le brasier qui m’habite me surprend. Mais je n’ai pas le temps de m’interroger sur la question. Les lèvres de Bill bougent. Et mon feu est douché par un océan de douleur. Ma vision se trouble. Ma dernière pensée, un peu floue, est : Alors c’est comme ça de se faire tabasser. Puis recroquevillé en boule, je sombre dans l’inconscience. * Bill regarde les deux gardes trainer le corps inanimé de Basil dans l’ascenseur. La compresse analgésique que lui a appliquée Ben refoule la souffrance au loin. Il est contrarié, très contrarié même. Outre sa main, il ne pensait même pas possible que Basil puisse agir de sa propre initiative. Il va devoir revoir tout son programme d’éducation avec les jeunes. Si un merde, alors peut-être que les autre aussi. D’une vois savamment maitrisée il dit : « Ben. Demain tu prendras Jack et ses gars. Tu te rendras au quartier administratif. Tu sais déjà ce qui doit être fait… ». Le jeune homme fait mine de répondre, mais son supérieur le stop d’un geste de sa main valide. Alors il opine de la tête et attend. « Nous reparlerons de Basil après. » Sur ces mots, Le grand chef des milices citoyenne quitte le bureau par une porte latérale. * J’ai mal. Ma vision est trouble, plusieurs secousses attisent ma migraine. « Attention ! Il se réveil ! Je n’ai même pas le temps d’analyser ces mots que je sens quelqu’un m’empoigner. Il me projette violemment contre une cloison. La douleur irradie. Mille couleurs se rependent dans ma vision, tel un caléidoscope des années 1980. « Crétin ! Tu vas l’assommer ! » Je distingue ces mots au travers du voile de souffrance qui m’obscurci les sens. Quelqu’un m’assied sur une banquette. Apres quelques instants à lutter contre la migraine, j’ouvre les yeux : Je suis dans un véhicule. En face de moi, assis sur la banquette opposé, je vois un flic. Et pas n’importe quel flic, le capitaine Karim. Une vielle connaissance… « Marrant comme on se retrouve hein ? Enfin, moi je me marre bien en tout cas. Toi tu dois en chier un peu. » Si je ne me sentais pas aussi mal, je lui rabattrais bien son air narquois dans la tronche. « Haha, me lance pas ce regard mon gars. Je t’avais bien dit que je t’aurais un jour. Même si je t’avoue que je ne m’attendais pas à te trouver à l’adresse qu’on m’a envoyé. Encore moins inconscient, attaché à une chaise et baignant dans ta propre pisse. Ils ne t’ont pas loupé hein. » Le flic me fait un clin d’œil. Putain ce que j’ai mal, je ne pense même pas à l’insulter. Une chaise ? Je ne me rappelle pas bien : Les yeux glacières de Bill, le passage à tabac, quelques flashes flous, un couloir de béton, sombre et froid. Une chambre noire, des coups, encore des coups, l’instructeur Marsani qui vient me parler. De la drogue je crois, je ne sais plus. Karim continue de me parler, mais je ne l’entends plus… Une petite tape à la joue me sors de mes pensées ; ou plutôt la flèche de douleur qui me transperce le crane vide absolument tout. « Eh ! Pti gars, ça va ? » L’air inquiet, le capitaine me dévisage. Il s’est approché entre temps… Il fait un signe à l’autre agent présent dans le fourgon. Je sens une piqure au bras. Un courant glacé se repend dans mon corps, éloignant un peu la douleur. « Qu’est-ce que t’as bien pu foutre pour que Bill te balance comme ça ? Je t’avais bien dit d’arrêter ces conneries… Tu te rappelles la dernière fois au poste ? Je t’avais dit de te méfier des milices. Mais toi évidement tu t’en foutais bien, puisque tu savais que Bill te ferais sortir. T’avais raison d’ailleurs… Mais regarde ou ça t’as mené. Je crois que j’ai encore jamais vu un mec aussi mal en point. T’as des bleus par-dessus tes bleus. Et au moins un vingtaine de fractures. Sans parler de tes dents… Il faudra que tu m’explique tout ça en détail mon gars. Et crois-moi, même si tu m’as bien fait chier par le passé, j’ai une sorte d’affection pour toi, le pit-bull enragé des jeunesses citoyenne. Au fond, j’ai toujours su que tu ne faisais pas cela juste pacque quelqu’un te disais de le faire. T’es plus malin que les autres… Si tu coopère, je pourrais peut-être plaider en ta faveur auprès du juge. Enfin, au vu de tes actes, ça m’étonnerais que tu ne prennes pas pour perpète, mais au moins, je peux peut-être te faire assigne en résidence de redressement, plutôt qu’à la prison centrale… On se revoit cet après-midi. Essaie de récupérer un peu d’ici là. » Le fourgon s’arrête. La lumière du soleil me brule les yeux. J’essaie de me les protéger avec mon bras, mais à cet instant je remarque les menottes. La douleur qui irradie de mes bras me fait comprendre que je ne peux pas les lever jusque au visage. Bleu sur bleu… Le capitaine a raison, cela décrit parfaitement la couleur de ma peau, avec des taches de rouge, de violet et de vert. Je bug un instant. « Que ? la question m’échappe. Surpris, Karim qui est déjà dans la rue se retourne. « Tu vas arriver à marcher ? » Un peu hébété, j’essaie. Une lance me transperce ! je pousse un gémissement. Plus un râle qu’un murmure je dis : « Je pense pas. » L’air un peu contrarier, mais résigné, le capitaine envoie son homme chercher des brancardiers. Il revient s’assoir à côté de moi. « Bon, on a un peu de temps du coup… si tu essayais de me raconter un peu ce qu’il s’est passé. Bill t’as lâché, toi son petit protégé. Ça m’intrigue beaucoup. » Je regarde le flic avec son air compatissant et paternaliste. Putain ! j’ai envie de lui rabattre la tronche. Et puis, d’un coup, un truc dans son air me fait penser au vieux Manny. « Nancy ! » le nom m’échappe. Alors que je me remémore le flot de parole de la présentatrice de radio première, une larme s’écoule le long de ma joue. J’ai bien merdé sur ce coup-là… Plus de Nancy, plus de pote, plus de Bill pour me protéger, une peine à perpète qui me pend au nez. La tristesse qui m’envahit, me fait me dire que ce vieil hypocrite de flic avec sa tronche de gentil papa est peut-être bien tout ce qui me reste en ce moment. Alors même si je sais qu’il en a rien à foutre de moi et que tout ce qu’il veut c’est que je lui crache des infos sur Bill, je joue le jeu. « Nancy ? Karime répète le nom de mon amour. Haha ! Ne me dit pas que c’est pour une Nana que t’es dans cet état ! T’es trop con mon gars, quand on fait ce que tu faisais, on ne court pas après une Nana ! » Une boule se forme dans ma gorge. Je n’arrive pas à parler. « Et merde ! Il l’a vraiment fait le con ! » A ce moment, ce flic, ce mec qui s’est toujours opposé à moi dans la rue, ce représentant d’un gouvernement mondial pourris jusque à la moelle, système auquel, nous les jeunes ne croyons plus une seule seconde, ce flic, fait la seule chose à laquelle je ne me serais jamais attendu : Faisant preuve d’un peu d’humanité au milieux de ce monde pourri, là dans un fourgon carcéral, un vieux flic prend dans ses bras un jeune homme brisé dans son esprit et son corps. La boule de ma gorge éclate et un flot de sanglot se repend sur le macadam. Le long de ma joue ruissellent des larmes. * Après quelques minutes, les brancardiers finissent par arriver. Ils jettent un regard un peu étonné sur la scène qui se présente à eux : un tas de bleu larmoyant lové dans les bras de leur supérieur hiérarchique. Un peu gênés, ils installent Basil dans la civière et l’emportent vers l’infirmerie. Debout dans la rue, le capitaine Karim regarde le petit convoi s’éloigner. « Encore un jeune sans avenir qui croyait pouvoir se débrouiller tout seul hein ? » Sans regarder son adjudant, le capitaine se met en marche vers l’entrée du poste. Sans se retourner il répond avec un ton cynique : « Tu y crois encore toi au brillant avenir de l’humanité ? Moi, Après la troisième guerre, j’y ai cru un moment. Mais regarde ca maintenant… Je dois y aller, un autre pauvre type m’attend. » Ailleurs dans la ville, un homme encapuchonné attend dans un recoin sombre d’un bar miteux. Il est rapidement rejoint par deux personnes. Promptement, une mallette est échangée contre une carte mémorielle. L’homme encapuchonné ouvre la mallette, jette un œil, la referme et s’en va. Quelques instants plus tard, une grosse cylindrée qui cache mal son appartenance au gouvernement sous un décor faussement délabré démarre. A l’intérieur, une ministre en costume tique à la lecture, sur un petit ordinateur de poche, du contenu de la carte mémorielle. Sans attendre, elle se connecte via les canaux sécurisés de son véhicule et échange de courtes instructions avec son interlocuteur. Plus tard dans la soirée, dans un immeuble chique du quartier marchand, une baie vitrée explose. Plongé dans le noir, un massif bureau de chêne poli, impeccablement nettoyé, se transforme en un million de petites échardes colorées de rouge tandis que les milliers de petites dars de carbone déchiquettent Bill, son mobilier et ses gardes. Quelques instants plus tard, les portes latérales s’ouvrent en claquant et une myriade de personnes armées déboule dans une pièce entièrement dévastée. Ils s’entre-regardent puis tous se tourne vers l’ascenseur tandis que retenti le « Ting » de la clochette. Ben, habillé de son plus beau costume s’avance, prenant garde de ne pas salir son pantalon avec le sang qui macule le sol. Etonnés, plusieurs homme demande : « Ben ? Que s’est-il passé ? » Imperturbable, l’homme âgé de la quarantaine s’avance au centre de la pièce. « Bill a merdé. Je reprends la baraque à partir de maintenant ! » Choqué par l’affirmation personne ne bronche, sauf une jeune femme en tailleur de combat. Celle-ci s’avant et demande avec bravade : « Et pourquoi devrait-on te suivre ? » Imperturbable, Ben abat la femme d’une balle en plein cœur. « Pour ça ! D’autres questions ? Non ? Parfais, alors faites-moi le ménage, je veux que ce bureau soit flambant neuf dans exactement 4 heure. Je dois recevoir d’importantes personnalités alors magnez-vous le train ! Rikkie ! Prend tes gars et va faire un tour dans les quartiers résidentiels. Sophie, Tu vas au centre-ville. Cassez tout ce que vous pouvez des boutiques de cette liste. » Il sort plusieurs cartes mémorielles et les distribue. « Des résultat sont attendu, je compte sur vous ! Gloire à la nation, gloire aux citoyens et construisons- notre avenir ! » Choqué par la mort de leur complice et galvanisé par le ton impérieux de Ben, les différentes escouades se disperse en bon ordre. * Je passe plusieurs semaines à l’infirmerie de la caserne St Léonard. Le capitaine Karim passe régulièrement me voir. Je ne sais pas pourquoi, mais apparemment il était sérieux lorsque il prétendait avoir de l’affection pour moi. Je lui ai tout raconté. Mon enfance dans les bas quartiers, le centre d’entrainement, les cours spéciaux de l’instructeur Marsani, mon enrôlement dans la cinquième brigade des milices citoyenne avec Rikkie, Johnny, Davide, Natasha et tous les autre. Je lui parle de Ben, mon ami aux bureaux. De comment il m’a soutenu quand j’étais petit, de son support lors de la dure période d’entrainement au combat, de ses encouragements lorsque je lui ai parlé de Nancy. Je ne parle pas trop de Nancy, la douleur est encore vive en moi, mais je lui ai demandé de se renseigner, pour savoir si elle va bien. Sur radio première, les appels aux dons en faveur des victimes se poursuivent, mais plus aucunes information à propos de ma bien aimée. A entendre la présentatrice, Bill se donne à fond en ce moment. Partout des actions d’éclat son entreprises. Je regrette de ne pas lui avoir directement éclaté la tête. A chaque fois que je pense à lui, la colère gronde en moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai le temps de penser. Je me repenche sur les 25 années que j’ai passées ici à Grand City, capitale du gouvernement mondial. Au début, seul la tristesse, la colère, le désespoir me hante, toutes ces émotions brutes, qui m’assaillent m’empêchent de dormir la nuit. Mais petit à petit, surtout à force de parler de ma vie avec le capitaine, la tristesse se change en ressentiment, la colère en détermination et le désespoir en honte. Je ressens désormais du ressentiment envers les milices citoyenne qui m’ont aveuglé et volé ma vie. Du ressentiment envers ce système que j’affirmais détester sans même le connaitre, ce système qui maintenant je le comprends est à l’origine des milices et qui se sert d’elles pour aveugler tous les jeunes comme moi. Je ressens de la détermination à rester en vie. Malgré le désespoir qui m’étreint quand je repense à ma solitude, à ma bien aimée : Nancy. Nancy que je ne connais même pas réellement, je n’ai jamais essayé de la comprendre. Je voulais juste l’avoir à mes coté. Son charme physique et son attitude affirmée, je le comprends maintenant ont galvanisé le jeune chien fou que j’étais au sein des milices. Quand elle me repoussait, je n’y voyais qu’un encouragement à me montrer plus fort et plus viril, maintenant je comprends qu’elle me craignait. Que mon attitude décérébrée la repoussais, elle si intellectuelle. Ma détermination est de la revoir un jour, pour lui demander pardon et lui redemander de vivre avec moi. Je ressens de la honte, quand je repense à toutes ces victimes que j’ai tabassées sans états d’âme, tous ces artisans dont j’ai détruit la vie « pour la cause ». Je ressens de la honte à m’être laissé manipuler comme un imbécile 25 années durant. Je parle de tout cela aussi avec le Capitaine Karim. Et étonnement, c’est souvent avec une profonde tristesse qu’il me regarde. Je ne connais pas le passé de cet homme, mais manifestement, il traine des boulets biens plus lourd que les miens. Au bout de trois semaines, je redemande au capitaine Karim, s’il a des nouvelles de Nancy. Avec un regard distant, il me répond que l’affaire n’est pas simple. Je comprends qu’il me cache quelque chose, la sensation n’est pas agréable. Va-elle bien ? Au bout de cinq semaines, je suis transféré. Le capitaine a tenu sa promesse. Je prends mes quartiers au centre de redressement et de réhabilitation. Fait paradoxal sachant que le juge ne m’a pas épargné la peine à perpétuité. C’est avec surprise que j’y retrouve le vieux Manny. Au début il me regarde de travers. Même si je n’ai pas participé à l’attaque contre son restaurant, il m’a bien assez souvent vu en uniforme rendre visite à Nancy. Cependant puisque il est la seule personne que je connais ici, je tente de briser la glace et de me rapprocher de lui. Cela prend du temps, mais nous finissons par parler : de Nancy. C’est avec stupeur que j’apprends qu’elle est activiste pour une cellule révolutionnaire. Je comprends par la même occasion la raison de la présence de cet honnête bistrotier dans un établissement de haute surveillance destiné aux criminels politiques. Il m’apprend que l’attaque menée par les milices n’était en réalité qu’une couverture pour une action du gouvernement visant à éliminer la cellule révolutionnaire du quartier sud. Il est inquiet pour Nancy. Moi de même bien plus encore maintenant que je connais son visage de révolutionnaire. Le regard du capitaine Karim prend désormais tout son sens. J’ai la surprise d’une visite la deuxième semaine. * Je suis à l’atelier de chimie lorsqu’un garde vient me chercher. Je le suis l’esprit plein d’interrogation à propos de cette entorse au traintrain carcéral. Elle se renforce lorsque nous prenons le chemin des cellules de visite. Le capitaine Karim aurait-il trouvé le temps de venir me rendre visite ? Avec une certaine dose de bonne humeur et d’enthousiasme, je suis mon gardien jusque à la porte qui donne sur la vitre de plexiglass. Je passe la porte en affichant un grand sourire, j’agite la main. C’est une douche froide qui m’attend. Toute ma colère refoulée remonte à la surface lorsque je vois le visage parfaitement composé de Ben de l’autre côté de la vitre. Je me jette avec force contre la vitre. De l’autre côté Ben me salue avec un petit sourire. Il me lance d’un ton faussement jovial : « Salut Basile ! Je vois que tu t’es bien remis de nos petites séances au sous-sol, tu m’en vois ravi vraiment. L’instructeur aime un peu trop se lâcher parfois. Je t’amène une bonne nouvelle. » A la mention des bonnes nouvelles, mon cœur se sert, le dernier à me l’avoir annoncé était celui qui a commandité le passage à tabac de mon amoureuse. Je crache contre la vitre avant de lui répondre : « Va te faire voir Ben. Je sais très bien qui a révélé à Bill ma relation avec Nancy ! Tu peux lui transmettre que j’espère que son moignon lui fait un mal de chien ! » A ma plus grande surprise, Ben éclate de rire. « Je n’y croyais pas, mais apparemment c’est vrais, tu ignores donc que Bill est mort ! Je venais te remercier pour l’aide que tu m’as apporté dans cette affaire. » Bill est mort ? Il me faut quelques secondes pour accepter l’information. Puis la suite des paroles de Ben m’interloque. Précautionneusement, je réponds : « Mon aide ? Mon aide pour… quoi ?» Ben éclate de rire à nouveau. « mais pour déchoir l’oiseleur qui laisse ses petits oisillons voler par eux même ! Ça fait longtemps que j’attends de prendre sa place ! Cet idiot ne savait pas profiter de l’influence que lui conférait sa position. » Il affiche un grand sourire. « maintenant c’est moi qui mène la baraque. Pour le plus grand bonheur de notre cher instructeur Marsani. L’étude de ton cas l’a grandement aidé à améliorer ses techniques d’endoctrinement. » Il écarte ses bras en grand, comme s’il voulait m’embrasser. Il inspire un grand coup. « Tu me manque énormément à la maison mon petit. Regarde, je te présente ta nouvelle collègue. C’est la toute première à avoir bénéficié de la technique que tu nous as aidés à mettre au point. » Je lève les yeux sur la personne qui passe la porte. Mon cœur se glace de désespoir. Je tombe à genoux, incapable de contenir mes larmes. Passé le premier instant de stupeur, je me jette contre la vitre et hurle toute les imprécation que je connais à l’encontre du quadragénaire grisonnant qui me regarde avec un grand sourire paternaliste. « On se revoit demain mon petit » Je me débat comme un forcené tandis que le gardien m’emporte. Tandis que la vision de Nancy, en tailleur militaire derrière Ben tourne en boucle dans mon esprit, je crie : « NOOOOOOOOOOOOOOOOON » * Dans un bureau du quartier administratif, une ministre trace proprement le nom de Bill d’un registre et inscrit « Ben » à la place. Sur la couverture il peut être lu : « Programme de régulation et de contrôle de la jeunesse. » Dans un bar miteux, quelque part dans le quartier sud, un vieux flic fatigué laisse filer « par mégarde » un révolutionnaire en possession de cartes mémorielles. Dans le quartier des affaires, Un jeune homme et une jeune femme armés de couteau et de fusil à air comprimé mènent une rafle contre un « repère de mafieux ». A la radio nous pouvons entendre : « Les violences suite à la réforme de la loi sur le rassemblement s’intensifie. Les forces de l’ordre affrontent un peu partout en ville les groupes armés des milices citoyennes. Après un intermède musical, retrouvez-nous pour la prévision météorologique. … Tam Tadadam, Tadadam Walk walk walk me home let me live my life on hold crossroads where we're at you go right I take left ». |
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