La Pierre de Tear fait peau neuve ! L'aventure continue sur www.pierredetear.fr ! L'ancien site est a présent archivé pour la postérité et en mode "lecture seule". Vous pouvez consulter l'ensemble du contenu et des anciennes discussions du forum, mais plus créer de nouveaux topics ni écrire de nouvelles réponses. Rendez-vous sur les nouveaux forums ici: www.pierredetear.fr/forum N'hésitez pas à rejoindre le Discord de la Pierre de Tear en cliquant ici: Discord Pierre de Tear - L'équipe des Admins: Klian, Owyn et DS |
|||||
Joute n°42 : Propositions pour un monde meilleur Joute 42 Texte B : Roan l'ingénieux
Roan referma la lourde porte derrière eux et se retourna vers une Shana toute essoufflée après leur folle course à travers le château. Il n’avait pas besoin de mots pour la comprendre, il connaissait son corps et son langage par cœur. En cet instant, il lui hurlait son désir. Sa peur aussi. Il se précipita vers elle et prit son visage dans ses mains pour l’embrasser. Il écarta ses doigts fins qui cherchaient à défaire les lacets de sa robe. Jusqu’à la fin, déshabiller la reine resterait l’apanage du roi. Ils n’avaient plus de temps, mais il se l’accorda quand même. Les fines cordes de cuir dénouées laissèrent la lourde robe glisser à terre. Shana était nue sous sa tenue, Roan recula d’un pas pour mieux l’admirer. Sa peau blanche était parfaite et la mettait bien plus en valeur que n’importe quelle étoffe. Elle ne se parfumait pas, Roan aimait son odeur naturelle. Il cachait toujours son visage dans sa nuque pour l’emporter avant de quitter le château. Ses seins se soulevaient rapidement au rythme de sa respiration. Il laissa ses doigts effleurer sa peau, partant de la naissance de son cou. Il avait appris chaque centimètre de son corps, l’avait vu évoluer au fil des années, pouvait évoquer l’apparition du moindre grain de beauté. Roan ressentait le corps de Shana comme un seigneur ressent ses terres. Intimement. Presque viscéralement. Ses doigts continuèrent de descendre, passèrent le creux de sa poitrine, réveillant des frissons sur son ventre pour finir par s’aventurer bien plus bas que la vertu ne le tolère. Roan sentait son regard sur lui. Il le devinait perçant et intense alors qu’il n’avait d’yeux que pour ses hanches. Shana avait toujours aimé sentir le désir qu’elle suscitait chez lui. Sur ce point il ne l’avait jamais déçue. Il était tombé amoureux d’elle dès leur première rencontre. Roan donnait souvent des réceptions où tous les grands seigneurs amenaient leurs filles dans l’espoir qu’elles y trouvent les faveurs du roi. Shana ne venait pas d’une famille puissante, bien que sa maison fût tout à fait respectable. Il l’avait de suite repérée parmi ses consœurs, déesse callipyge qui dégageait une grâce et une sensualité à chacun de ses mouvements. Roan était le roi le plus érudit que Toriam ait connu. Les jeunes filles se succédaient à ses côtés pour démontrer leurs propres connaissances. Certaines récitaient des vers qu’il avait déjà entendu, d’autres décrivaient des pays qu’il avait déjà visité. Quelques rares s’essayaient à la philosophie avec des questions qu’il avait déjà explorées. Mais pas Shana. Shana riait aux éclats pour des détails, elle goûtait, sentait, écoutait comme si elle découvrait tout pour la première fois. Elle vivait l’instant présent entièrement et vous entraînait avec elle. Et surtout elle bougeait comme si l’espace était à elle, comme s’il s’inclinait devant elle. Elle était venue avec ses propres armes et toutes les connaissances de Roan n’avaient pas suffit pour faire bouclier contre elles. Alors il avait fait la seule chose à faire, lui succomber au grand soulagement de sa famille. Shana avait bien reçu une éducation de base, mais elle avait rapidement renoncé à ses cours. Elle voulait devenir danseuse. Ce qui aurait été une grande honte pour leur nom ne serait plus qu’une lubie prêtant à sourire une fois devenue reine. Roan sentait la chaleur de sa peau, son souffle à ses oreilles, son cœur qui accélérait. Dans un mouvement large il envoya voler les cartes et parchemins qui jonchaient la table. Tout cela n’avait plus d’importance maintenant. Seuls comptaient leurs deux corps, ces instants volés, et la petite fiole posée sur la cheminée pour lorsque le moment viendrait. Elle était fine, délicate et semblait sublimer chaque parcelle de lumière qui osait se poser sur elle, à l’image de Shana. Il allongea délicatement sa femme sur le bois tiède pour une étreinte d’abord douce et délicate. Shana fermait les yeux, toute à l’écoute de ses sensations. Roan les devinait. Il se fit plus rapide et plus intense. De dehors, les clameurs lui tordaient les tripes et les cloches du temple lui transperçaient l’âme. Il ne voulait plus qu’entendre ses gémissements, oublier tout le reste, se perdre définitivement en elle. Pour la première fois de sa vie il renonçait à réfléchir, il rejetait la logique et voulait cueillir l’instant et ce qu’il avait à lui offrir. Il aurait dû le faire dès le commencement. Au grand étonnement de leur entourage ils avaient formé un couple heureux à chaque instant de leur mariage. Ils vivaient dans deux mondes différents mais ils s’étaient retrouvés pour former leur univers. Roan étudiait, Shana vivait. Roan pouvait enseigner des heures sur les étoiles, Shana les regardait briller en s’émerveillant. Le soir il aimait la voir danser pour lui, bien qu’il la soupçonnât de ne danser que pour elle-même. Elle était aussi légère et éclatante que les bulles de ce vin pétillant ramené de son dernier périple. Ils n’attendaient rien l’un de l’autre, de la même manière que le cœur n’attend rien de l’esprit. Ils formaient un tout, indissociable, quelle que soit la distance entre eux. Roan partait souvent en voyage. Dès qu’il entendait parler d’une nouvelle bibliothèque, d’un nouvel enseignement, il faisait ses bagages. Maintes fois il s’était promis qu’il en savait assez, que sa vie était au château maintenant, mais l’appel était plus fort. Parfois Shana l’accompagnait, le plus souvent elle restait à Toriam. Il ne lui serait pas plus venu à l’idée de lui demander de renoncer que de lui ordonner d’arrêter de respirer. Il revenait des semaines, parfois des mois après avec de nouvelles techniques pour maîtriser l’eau ou des schémas complexes assortis de toutes petites annotations. Il lui en parlait d’un ton passionné et elle lui faisait gouter du raisin ou écouter un nouvel air de musique, comme si l’importance en était la même. C’est elle qui avait raison, il aurait du y avoir plus de raisin et de musique. Shana se redressa et il la porta contre l’immense bibliothèque. Ses jambes fines enserraient sa taille tandis que ses longs cheveux se perdaient sur leurs visages. Les yeux fermés, la respiration saccadée, elle s’accrochait à lui comme un naufragé à sa planche, lui griffant le dos et lui mordant les épaules. Elle avait souvent dit qu’il était son phare, et qu’importe les tempêtes elle n’avait qu’à regarder vers lui pour garder le cap. Il l’avait au contraire égarée avec lui. C’est par sa faute qu’ils mourraient tous les deux. La fiole irisée accrocha son regard et Roan s’abîma de plus belle en Shana pour oublier tout ce qui les entourait. Toriam était devenu un royaume prospère. Roan ne croyait pas en la fatalité, uniquement aux problèmes à résoudre. La science apportait une solution à tous ceux qui voulaient bien la chercher. Les récoltes s’amélioraient d’année en année, les maladies trouvaient un traitement. Les enfants mangeaient à leur faim et les parents leur enseignaient ce qu’eux même avait appris. Roan ne se contentait pas de son bonheur, il voulait celui de tous. Il métamorphosa son royaume et la vie de ses sujets. C’était un roi aimé et respecté. Roan l'ingénieux l'appelaient-ils. Alors quand il eu l’impression de ne plus rien avoir à apporter de plus à son peuple, il se rappela d’un voyage en Phylie, de ses déserts et de sa misère. Au lieu de vivre de son bonheur chez lui, il voulu leur apporter leur part à eux aussi. Ils auraient pu aider le monde entier. Il était allé au contact de ces hommes pour écouter leur désespoir. En retour il leur avait appris comment choisir les graines et apporter l'eau, comment éloigner les épidémies et soigner les bêtes. Ça aurait pu marcher. Ça aurait du marcher. Il y avait bien assez de ressources sur la planète pour que tous vivent heureux et sereins. Personne n'avait a souffrir inutilement, du moins était-ce qu'il croyait. Mais un peuple qui mange à sa faim est un peuple qui pense. N'ayant plus à lutter pour survivre ils pouvaient lire, poser des questions et attendre des réponses. Les oligarches Phylisiens l'avaient compris bien avant Roan et sentirent leur toute puissance vaciller. Ils l'accusèrent de vouloir prendre la place des dieux. Ils savaient que c'était faux, Roan aussi, mais les paysans le crurent. Partout son nom fût sali et les Toriamiens furent chassés du pays. Les machines et manuscrits qu'il avait apporté dans les villages furent brûlés et des prêtres de toutes les divinités exercèrent des purifications des terres des jours durant. Jamais la Phylie n'avait connu d'aussi grande régression. Afin de prouver qu'ils respectaient les dieux les paysans renoncèrent à toute technologie, y compris celles qu'ils maîtrisaient précédemment. La nourriture manqua et la fièvre emporta nombre d'entre eux. Partout il se disait que c'était bien la preuve que Roan avait contrarié leurs divinités. Malgré le vacarme des combats une impression de douloureux silence se fit. Quelque chose brillait par son absence. Roan mit quelques secondes à comprendre : Les cloches du temple s'était tues. Ce n'était pas juste. Il pensa à Jalion qui les avait marié, à sa douceur et à son écoute. Ses vieilles mains caleuses avaient tiré sur les cordes aussi longtemps qu'il avait pu pour que les habitants sachent jusqu'à leur dernier souffle qu'ils n'étaient pas seuls, que leurs dieux étaient à leurs côtés. Il devait être mort à présent. Il espérait que ce fut rapide. Il avait voulu amener la lumière autour de lui et c'est son royaume qui serait soufflé comme une bougie. Toutes ces années il avait voulu apprendre pour faire un monde plus juste et équitable, la seule chose qu'il n'avait pas étudié était comment faire la guerre. Il n'avait pas vu l’intérêt à l'époque, il pensait qu'en améliorant la vie de tous la violence disparaîtrait. Il avait été ridicule. Il posa son regard sur Shana et vit qu'elle paniquait. Elle avait compris elle aussi, ils étaient bien plus avancés qu'ils ne l'auraient cru. Il ne restait plus qu'un cercle de remparts et ils seraient dans les murs du château. Roan l'entraîna sur le balcon arrière et poussa la porte fenêtre. Sur le sol de larges peaux les protégeaient du froid lorsqu'ils s'y attardaient le soir. Ils avaient passé des heures à contempler le ciel, à rire et à s'aimer, leurs corps tant enlacés qu'ils n'en formaient plus qu'un. Comment protège t'on ceux qu'on aime de la peur de la mort ? Y avait-il un livre qui parlait de ça ? En contre bas la Garrice déversait ses eaux tumultueuses. Son bruit camouflait en partie le chaos de la bataille. D'ici peu elle emporterait aussi leurs corps. Roan ne savait que trop bien ce qu'ils feraient de Shana s'ils les capturaient. Un poison aussi rapide qu'indolore leur servirait de porte de sortie. Mais même sans vie il ne voulait pas leur laisser sa femme en pâture. Derrière la porte Johan attendait le signal. Il devait bouillir intérieurement de ne pas être avec les troupes. Ce rude combattant avait été son plus fidèle ami, son confident, son protecteur. Compagnon de voyage, il lui devait de nombreuses vies et Johan aurait donné la sienne pour son roi sans la moindre hésitation. Aujourd'hui il mènerait une dernière mission : Confier leurs deux corps à la Garrice. En lui confiant cette tâche Roan paierait une partie de sa dette envers lui. En roi prévoyant il avait aménagé des couloirs secrets afin de sortir du château. Derrière la bibliothèque un passage menait à une première salle recelant tenues civiles, or et sacs de vivre. De quoi repartir pour une nouvelle vie. Mais qu'aurait-il pu proposer à la reine ? De courir la campagne pour trouver de petits travaux et vivre dans la misère ? Ils mourraient sur leurs terres, mais Johan pourrait tenter sa chance. Il lui devait bien ça. Forts de la nouvelle ferveur d'un peuple se sentant coupable, les Phylisiens ne se contentèrent pas de resserrer la main mise sur leur pays. Ils attaquèrent les peuples voisins pour leurs hérésies et les aider à vivre dans la règle des dieux. Pour cela ils confisquait les terres et tuaient ceux qui tentaient de négocier. Mais ces victoires ne leur avait pas suffit. Ils fallait qu'ils se mettent à l'abri de Roan et de ses idées nouvelles. Eux avaient étudié les tactiques et les armes, ajouté à leurs convictions il ne fallut pas longtemps aux guerriers pour mettre le pays à feu et à sang. Défaites après embuscades ils avaient avancé jusqu'à se retrouver aux portes du château royal. L'attaque avait commencé ce matin, aux premières lueurs de l'aube. Roan s'allongea dans le dos de Shana. Ils aimaient cette position qui permettait à ses mains d'avoir accès à tout son corps. Mais ce matin son esprit n'était pas à leur communion. Il avait voulu lui accorder pleinement leurs derniers instants, lui permettre de s'évader de cette réalité pour que l'attente soit moins insoutenable. Peut être auraient-ils pu fuir vers la mer, trouver un bateau et chercher une nouvelle vie sur un nouveau continent. Mais il ne pouvait pas l'imaginer sans argent, les mains abîmées et tentant de gagner tout juste de quoi manger et dormir sous un toit. La peau de Shana était chaude et douce sous ses doigts. Tellement pleine de vie. Elle ne réagissait pas comme habituellement, son corps était tendu, il n'avait pas ses mouvements souples qu'il aimait tant. Il tourna son visage vers lui pour lui chuchoter des mots rassurants. Elle pleurait en silence. Elle ne pouvait pas mourir. Roan se releva précipitamment. Shana chercha du regard avec angoisse ce qui avait alerté son mari. il la drapa d'une peau afin de préserver une pudeur dérisoire en ces moments et l'entraîna vers le passage secret. Une manipulation rapide dans les livres et le couloir sombre se dévoila. « Cours devant et prépare toi » Il avait des connaissances, des ressources, des solutions. Il pouvait y arriver. Pas forcement lui offrir une grande vie, mais une vie quand même, peut être même heureuse. Il couru complètement nu vers la porte, il n'oublierait pas son ami. Il ne fallut pas une seconde pour que Johan comprenne ce qu'il se passait. La porte ouverte, l'absence de Shana. C'était un guerrier aguerri qui analysait rapidement les situations. Il entra dans la pièce et pris quelques secondes pour placer la lourde barre qui leur offrirait quelques minutes supplémentaires. Roan avait déjà fait demi tour. Au passage il attrapa la petite fiole. Il y aurait peut être un dernier moment, mais pas de suite. Shana devait les attendre déjà habillée. Chaque pas les rapprochait de la sortie, de la mer, d'une nouvelle vie. Tout en dévalant le couloir, ses pieds nus martelant le sol glacé au son des bottes de Johan qui le rattrapait, Roan résolvait déjà l'équation qui garderait Shana en vie. |
|
Actualités | Le Forum | La Roue du Temps | La Série TV | Le Grimoire | L'Encyclopédie | Créer un compte | S'identifier |
Copyright "Pierre de Tear.com", tous droits réservés. Nous Contacter |