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Joute n°39 : Trames et tissages Joute 39 Texte A : Tissage impérial
L'Impératrice referma doucement la porte. Ses suivants, gardes et courtisans, n'eurent d'autre choix que d'attendre leur maîtresse dans l'anti-chambre. Wuong étouffa un soupir. Depuis son élévation au trône du Ciel, elle ne connaissait guère de moment de tranquillité. Sans même parler d'être seule, une simple rencontre en tête-à-tête était fort rare car peu, même parmi les noble de la Cour Impériale, étaient admis au privilège d'un rencontre privée. - Allons, ma fille, assieds-toi devant moi, tu sais combien ma vue est basse. Wuong sursauta. Bien peu avait le privilège de lui adresser la parole, surtout aussi familièrement. Elle s'assit dans l'unique chaise de la chambre. Le mobilier était fort strict quoique précieux : en dehors de la chaise, une commode laquée de rouge, provenant probablement du nord de Tameiv et un lit à baldaquin. Sur le lit, un métier à tisser accueillait des flottes de soie que Yhuan, la duègne tramait patiemment pour composer fil à fil les seules robes dignes de l'Impératrice. Sur le plancher, et sur la commode, par dizaines et de toutes tailles s'entassaient des bobines de fil à soie. Perdue dans l'amas de tissu, nonchalamment assise au creux des draps, Yhuan s'absorbait dans son travail Les deux femmes restèrent silencieuses un temps, goûtant toutes deux la joie de se retrouver. Le seul bruit qui filtrait du dehors était le lourd gong des Veilleurs annonçant la procession vespérale. Dans la chambre, en écho, ne résonnait que le tambourin du métier à soie et le bruissement doux du fil sur les doigts de la duègne. Puis, l'Impératrice prit la parole : - Yhuan, je t'en prie, conseille-moi encore une fois. L'Empereur s'agite en ce moment. Ses armées se regroupent près des Rivages Maudits et son attention est toute entière accaparée par les Nagas. Je reste seule pour m'inquiéter des visées des mandarins. La duègne interrompit le mouvement de son métier pour écouter l'Impératrice et celle-ci poursuivit, d'une voix plus ferme: - J'ai fait parvenir un message à l'Empereur pour solliciter la présence d'une troupe de Veilleurs mais je n'ai eu aucune réponse. Chère Yhuan, que dois-je faire pour convaincre l'Empereur de la menace sur le trône du Ciel ? Les fils évoluèrent à nouveau sur le métier tandis que la duègne reprenait son travail monotone tout en réfléchissant aux propos de sa maîtresse. - L'Empereur est sage, répondit-elle simplement. Wuong attendit qu'elle poursuive. Autrefois, elle s'irritait de la lenteur de sa duègne mais elle avait compris que Yhuan ne parlait ainsi que pour laisser le temps à son interlocutrice de suivre son raisonnement. - La menace Naga est le pire fléau pour l'Empire et il doit consacrer tout son énergie, toutes ses ressources à défendre le Rivage Maudit. Que ferons-nous si le Léviathan pose le pied sur le monde ? Wuong blêmit mais ne répliqua rien. Elle venait chercher conseil non des sermons. - L'empereur nous fait confiance pour sauver sa Cour. Même si la menace des mandarins est réelle, il ne peut nous confier de troupes. Cela l'affaiblirait et indiquerait à tous qu'il craint pour sa vie, comme un simple seigneur de guerre, conclut la duègne en s'absorbant dans son tissage. L'impératrice resta assise et médita les paroles de sa duègne. Un sentiment de honte colora légèrement ses joues mais elle se reprit rapidement. Inutile de perdre par deux fois le contrôle de ses émotions. Une erreur ne corrige pas une autre erreur. Encore le fruit d'un des sermons de Yhuan. De plus, ici elle était moins l'infaillible Impératrice que Wuong, la jeune princesse, qui peut se tromper. Mais pour le bien de l'Empire, pas trop souvent. - Comment puis-je vaincre seule tant d'adversaires, Yhuan ? Tu m'as enseigné l'art de tromper mon ennemi mais aujourd'hui je ne parviens pas à déceler mes ennemis dans la foule des courtisans. J'ai parfois l'impression que tous les mandarins, que le moindre lettré cherche à renverser l'Empire. D'autre jours, je ne veux croire qu'en la loyauté de tous les sujets. Cette fois, la duègne ne tarda pas à répondre. - Ami, ennemi, quelle distinction ? Tu le sauras quand certains chercheront à s'emparer du Trône céleste. Si tu veux vraiment les connaître alors dévoile-les en leur offrant l'occasion d'agir. -Une occasion ?, réagit vivement Wuong, quelle genre de ... L'Impératrice se tut. Elle devait éviter de réfléchir à voix haute. Encore un sermon. La duègne se renferma dans un silence actif. Les fils de soie se remirent en danse pour composer une nouvelle pièce d'étoffe. Selon leur règle tacite, la duègne évoquait des principes généraux, jamais une action concrète. Elle n'était pas de sang assez noble pour suggérer un plan et devenir courtisane. A part elle, Wuong songea que si on respectait l'étiquette, Yhuan n'aurait pas la hardiesse d'énoncer une simple suggestion mais les vieilles servantes ont parfois plus de liberté que leur jeune maîtresse. L'Impératrice resta encore une décade dans le boudoir. Pour méditer le conseil de sa duègne, pour ressasser les conversations des courtisans, pour piéger les mandarins. Et aussi pour pour entendre son amie lui relater les amours futiles des servantes du palais. Pour contempler le patient dressage de la future robe impériale qu'elle porterait un jour. Si le Trône Céleste ne changeait pas. Enfin, l'Impératrice se leva. La duègne s'inclina et la regarda partir sans un mot mais interrompit pourtant son travail. Elle n'aimait pas le laisser paraître devant sa jeune maîtresse mais elle était inquiète de la confrontation à venir. Elle attendit patiemment son prochain visiteur. Le mandarin Ming était puissant à la cour mais prévisible. Il ne pouvait supporter d'ignorer les agissements de l'Impératrice. Il arriva quelques instants plus tard et réclama aussitôt un compte-rendu de la visite impériale. La duègne commença alors à tisser la soie et tandis que les longs fils s’enchevêtraient pour former une étoffe fine et douce, elle attisa la curiosité du mandarin en relatant les moindres gestes de l'Impératrice sans en divulguer le moindre propos. Puis, elle s'arrêta, contempla la robe d'un air satisfait et se tourna vers Ming, qui tapotait excédé les rouleaux d'étoffe. Rageur, il s'avança près d'elle et sortit de sa poche une bourse bien rebondie. La faisant tomber dans les coussins, il réclama : - Maintenant femme, dis-moi ce que je veux savoir. Dis-moi ce qu'elle projette de faire. Yhuan escamota la bourse sous une couche d'étoffe et répondit d'une voix égale : - L'Impératrice agira bientôt dans votre sens. Je l'ai persuadée qu'en vous forçant ainsi la main, vous seriez surpris et déboussolés. Ming se détendit à ses paroles. - Brave servante, continue à nous servir fidèlement et tu auras d'autres récompenses. Que fera-t-elle exactement ? La duègne haussa les épaules. - Je n'ai pas cherché à le savoir, je ne questionne jamais ma maîtresse. Inutile d'éveiller ses soupçons en la pressant de trop. Elle infligera peut-être un blâme injustifié à l'un des courtisans ou lèvera un nouvel impôt, qui sait ? Le mandarin réfléchit à plusieurs hypothèses et quitta le boudoir sans saluer la duègne, qui ne s'en offusqua pas. Il fallut attendre trois jours pour que la duègne ait une nouvelle visite protocolaire. Trois journées à entendre résonner l'appel aux armes, à sentir le sol vibrer sous les martèlements des bottes. Trois nuits de feu, où les cloches brûlaient sans répit dans la Cité éclairant moindre recoin. Avant même que ses servantes ne l'informent, la duègne avait deviné dans un sourire la source de toute cette agitation. Le Trône Céleste vacillait. Pour la première fois depuis la fondation de l'Empire, la source de la Faveur du Ciel avait quitté la Cité Impériale. La Perle de L'impératrice avait disparu. L'Impératrice ne vint pas seule cette fois. Elle amenait son cortège de courtisans, avides d'observer ces jours troubles, anxieux d'être sujets de la colère impériale, flairant la révolte et l'odeur de la guerre. Ses gardes envahirent le pavillon de la duègne et firent irruption dans le boudoir. Faute de place, nombre de suivants furent contraints de faire antichambre mais les portes béantes permettaient à tous de voir la duègne descendre de son lit et s'agenouiller à trois reprises devant sa maîtresse. Le front baissé, Yhuan attendait que l'Impératrice daigne lui adresser la parole. Parmi les courtisan, elle avait reconnu la silhouette rebondie du mandarin Ming. - Servante ! Montre moi la dernière robe que tu as tissée. En gardant le front incliné, Yhuan se redressa et sans tourner le dos à l'Impératrice, recula vers son lit. Elle saisit une robe suspendue au baldaquin. Une robe vermeil, celle là même qu'elle tissait trois jours auparavant. Elle s'agenouilla à nouveau en tendant la robe devant elle et une servante vint l'apporter à leur maîtresse. Wuong y jeta un coup d’œil dédaigneux et d'un geste rageur la jeta violemment au sol. - Elle est tachée, et les fils s'étiolent déjà ! La qualité de tes services laisse à désirer. Tu n'es plus digne de servir le Trône. Et ce fut tout. La vieille duègne resta au sol, tandis que la Cour se retirait. Elle devait s'exiler loin de Tameiv le temps que passe la colère impériale ou que finisse ses jours. Yhuan ne mit pas une heure à rassembler ses quelques affaires. Peu de choses en réalité puisque la soie était évidemment propriété impériale : elle n'emportait que ses peignes, quelques toilettes et deux vieux pendentifs. Elle laissait intact sa navette avec les flottes de soie prêtes. Les deux gardes à l'entrée adressèrent un salut et la duègne eut juste le temps de prendre sa pose nonchalante sur le lit avant que le mandarin Ming ne surgisse dans la pièce. D'un regard, il vérifia qu'ils étaient bien seuls puis referma la porte vivement. - Servante ! Tu as déplu à ta maîtresse. Se doute-elle de tes... discours devant moi ? - Si elle me croyait réellement coupable de trahison, je serai déjà écartelée..., rétorqua paisiblement Yhuan. Vous n'avez pas à craindre qu'elle me soupçonne. Elle est seulement irritée et les vieilles servantes apaisent la colère de bien des façons. Le mandarin Ming la regarda, interloqué. - Tu sembles prendre à ton aise ta nouvelle vie d'exil ! Yhuan ne répondit rien mais reprit sa place près de la navette et tissa la soie tendue devant elle. Elle s'affaira ainsi juste le temps d'exaspérer le mandarin. Puis, avant qu'il n'explose : - Probablement parce que mon exil sera de courte durée, fit Yhuan - Comment le sais-tu ? - J'ai rapporté une conversation. J'ose espérer pour le bien de l'Empire et celui de votre seigneurie que vous n'avez pas réuni vos partisans à l'annonce de la disparition de la Perle. Les poings de Ming se crispèrent. Son visage bouffi était écarlate. - Vous serez tout de même jugée pour trahison ! - Wuong ne vient pas me voir sans raison. Elle juge que je suis assez sage pour la conseiller mais également pour agir à ma façon. Elle m'en veut certainement de vous avoir dévoilé certaines de ses faiblesses mais je suis sûr que cela s'arrangera. - Comment ? La voix du mandarin était atone. - Quand je lui expliquerai que vous êtes mort, le cou tranché pour avoir voulu défier le Ciel, conclut Yhuan d'une voix terrrible. Hagard, Ming tenta une dernière bravade : - Dites-moi ce qui m'empêcherait d'en finir avec vous, vieille sorcière. Je pourrais vous étrangler de mes mains. Et joignant le geste à la parole, il s'approcha du lit, bras tendu comme un dément. Yhuan n'interrompit pas le lent mouvement de la navette. - Deux choses : votre honneur de mandarin. Et aussi le fait qu'en tant qu'ancienne duègne, je conserve dans ma coiffe, les aiguilles empoisonnées de ma charge. La mort par le venin du serpent-rouge est bien pire que la décapitation. Voulez-vous voir si mes réflexes me permettent encore de survivre à l'attaque d'un mandarin ventripotent ? Le mandarin Ming pâlit et sans ajouter un mot quitta le boudoir où se tramait tant de chutes. |
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