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Joute 30 : Nouveau printemps Joute 30 Texte I : L'échappée belle
La révolte gronde dans un royaume gouverné par un tyran. Lui est l’une des principales figures de la rébellion. Elle, a quitté les rangs des partisans pour d’obscurs motifs. A eux deux, ils représentent le dernier espoir des rebelles, la dernière chance de voir éclore un nouveau printemps pour leur peuple.
L'homme ruminait dans sa cellule, plein de rancœur et de colère pour celle qui les avait trahis. Comment avait-elle pu ? Ils lui avaient fait confiance et maintenant… Maintenant, il était à la merci de leur pire ennemi et allait mourir sans pouvoir prévenir ses camarades du serpent qui les rongeait de l'intérieur. L'humidité qui suintait des murs de sa geôle avait réveillé la douleur de son épaule, souvenir d'une blessure qu'il avait reçue en la protégeant, elle. S'il avait su alors, il l'aurait laissée se faire tuer. Il n'entendit pas les pas feutrés qui approchaient de sa cellule. Un éclair de surprise apparut sur son visage qui se déforma rapidement en une grimace de rage et de haine en apercevant le visage de la traîtresse honnie. Les flammes vertes de la colère embrasaient les prunelles du prisonnier. Elle était toute drapée de soieries, d'une beauté éclatante dans ses habits de cour. — Que vient faire ici la putain du despote ? Grinça-t-il d'une voix sourde. Elle ignora l'insulte et répondit d'un ton glacé : — Comte Laranis, je savais les princes de ce monde fiers, arrogants et ingrats mais pas aussi stupides. Il émit un grondement de rage en se jetant sur les barreaux de sa cage et tenta de la prendre à la gorge mais ne réussit qu'à atteindre son poignet. Il tira vers lui et serra aussi fort qu'il le put mais elle ne bougea pas d'un pouce, ne grimaçant même pas sous la douleur terrible qui irradiait de son bras. Ils s'affrontèrent du regard sans qu'aucun d'eux ne cille ni ne détourne les yeux. Il fut surpris de ne lire aucune malveillance ni aucune satisfaction dans ses prunelles. Peut-être… Un doute naquit en lui. — Pourquoi la trahison, Nevhilim ? finit-il par demander, essayant de dominer son écœurement. — Pour payer une dette, une vie pour une vie. Maintenant, lâche-moi si tu veux garder la tienne et sortir d'ici. Je n'ai pas beaucoup de temps avant que le garde revienne. Il relâcha lentement sa prise et recula prudemment en continuant de la dévisager d'un air suspicieux. Pouvait-il lui faire confiance ou l'entraînait-elle vers un nouveau piège ? D'un autre côté, avait-il vraiment le choix ? Il fallait à tout prix qu'il tente de rejoindre ses camarades, les informations qu'il avait réunies ne devaient pas attendre. Le sort de la révolte en dépendait. Elle remonta ses jupes, attrapa un fin crochet et entreprit de forcer la serrure. Son front se plissa sous la concentration. Le mécanisme n'était pas compliqué mais la douleur lancinante dans son poignet rendait ses doigts gourds. Au bout d'une longue minute d'efforts, elle en vint à bout. La serrure émit un cliquetis satisfaisant. Ils sortirent discrètement du couloir et gravirent les escaliers. Ils enfilèrent corridor sur corridor en évitant les gardes et les serviteurs. Les torches balisaient leur chemin et l’odeur du suif qu’elles dégageaient empuantissait l’air. Soudain, les échos d’une troupe de courtisans particulièrement avinés leur parvinrent. Ils tentèrent de revenir sur leurs pas mais le bruit métallique d’un détachement de gardes résonnait dans l’autre sens. Affolés, ils regardèrent le couloir. Pas une alcôve pour les dissimuler, pas même une tenture. Ils aperçurent alors une porte renfoncée sous une arche. Sans perdre une seconde, ils se précipitèrent et s’y engouffrèrent. Ils refermèrent prestement la porte derrière eux et la barrèrent, retenant leur souffle, alors que les pas se rapprochaient. Une fois l’alerte passée, ils examinèrent la pièce où ils se trouvaient. Une large porte-fenêtre laissait entrer la clarté blafarde de la lune illuminant péniblement l’obscurité du lieu. Un reflet argenté attira leur regard. Laranis avança jusqu’à un bureau et se saisit de l’objet, un coupe-papier. Il glissait ce dernier à sa ceinture quand sa compagne poussa un cri étouffé. Un parchemin à la main, elle se tenait devant la fenêtre. Malgré la pénombre, Laranis put la voir pâlir à mesure qu’elle lisait. — Qu’est-ce que c’est ? chuchota-t-il en s’approchant. — Notre arrêt de mort à tous si nous ne sortons pas d’ici. Elle lui tendit la missive. — Le roi va envoyer ses troupes droit sur nos partisans. A ce moment précis, quelqu’un tenta d’entrer. Laranis entraîna Nevhilim à sa suite sur le balcon. Les coups redoublèrent à la porte. Acculés, ils cherchèrent désespérément un moyen de s’échapper. La brise printanière portait un parfum entêtant qui assaillit Nevhilim. Elle se tourna vers l’aile est et empoigna une branche de l’énorme arbuste grimpant qui envahissait les murs du château. Elle testa sa solidité et avertit son compagnon. L’étage inférieur éclairé les dissuada de tenter une descente. Laranis aida la courtisane à se hisser sur la balustrade. Celle-ci entama son ascension, bientôt suivie de son complice. Très vite, elle atteignit le balcon de la bibliothèque. Sachant que nul ne s’y trouvait jamais à cet instant, elle s’y engagea. Laranis lui emboîta le pas. Au moment où elle entrouvrit la porte, deux gardes s’apprêtaient à descendre les escaliers. L’écho de leur conversation résonnait encore après qu’ils aient disparu. L’alerte avait été donnée. Les soldats ratissaient les étages inférieurs à la recherche du fugitif. — Il faut monter, dit Laranis. Arrivés aux remparts, des gardes sur les talons, ils se ruèrent vers la tour la plus proche. D’autres soldats en débouchèrent, le Conseiller du roi à leur suite. Ils étaient cernés de toutes parts. — Toi ! Traîtresse ! hurla le ministre en reconnaissant la courtisane. Alors qu’il allait ordonner leur arrestation, un page fendit la foule des gardes. — Monseigneur ! Le roi est mort ! cria-t-il de sa voix fluette. Une clameur embrasa l’assistance. Le Conseiller tenta désespérément de se faire entendre, en vain. Son compagnon en profita pour glisser à l’oreille de Nevhilim : — Ton œuvre ? — Du poison dans le vin, lui sourit-elle. — Quelle mort banale pour un tyran de son espèce, se désola-t-il. Dans l’affolement général, ils profitèrent du désordre ambiant pour s’éclipser discrètement. *********** La mort du souverain laissa place à un tel chaos que les opposants n’eurent aucun mal à s’emparer du pouvoir. Quant à Laranis et Nevhilim, une fois le calme revenu, ils disparurent de la scène politique. Ils étaient enfin libres, libres de choisir pour eux-mêmes. Ce nouveau printemps était porteur de tant de possibilités. |
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